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lui-même, en 1891, dans le Cabinet Stamboulof ; c’est l’époque où l’armée bulgare s’organise ; l’artillerie se complète en canons Krupp, l’infanterie reçoit le fusil Mannlicher modèle 1888 ; puis la chute de Stamboulof met fin à cette période d’armemens intensifs. Elle écarte aussi des affaires Savof, demeuré pour longtemps simple directeur de l’Ecole militaire.

En 1903, Ratchko Pétrof est chef du gouvernement. Depuis qu’à Slivnitza, comme major-général du prince Alexandre, il avait Savof sous ses ordres immédiats, les deux camarades de 1886 ont détenu tous deux le portefeuille de la Guerre ; et ce département revient de droit à l’un d’entre eux, dans une combinaison ministérielle dont l’autre est le président. L’étroitesse de leur amitié et la communauté de leurs vues ne seront pas de trop, à l’heure où le mouvement macédonien s’accentue et où la force russe s’engage dans une autre péninsule, à l’autre bout du monde : au Liao-Toung. On se hâte de pourvoir à la guerre inévitable en créant les nouvelles divisions, en adoptant un mannlicher perfectionné, en substituant au canon Krupp un 75 à tir rapide de fabrication française. Le ministre passe outre, pour gagner du temps, aux fixations budgétaires, ordonne lui-même les dépenses secrètes, viole tranquillement les lois sur la responsabilité ministérielle. Tombé du pouvoir en 1907, avec Pétrof, il tourne le dos aux vindictes parlementaires pour venir se promener en France, puis fait face à toutes les haines et les affronte sans sourciller au pays natal.

En 1911, les mêmes causes profondes qui mènent tout au pays bulgare marquent l’heure des représailles dirigées contre lui. Le procès des Stamboulovistes éclate, motivé on ne sait par quelles haines personnelles ou conduit par quelles directives d’en haut. Une chose est sûre, c’est que les divulgations faites à cette occasion par un ancien ministre des Affaires étrangères sont nécessaires à la politique du roi Ferdinand. Elles feront sentir à l’opinion l’opportunité des remaniemens constitutionnels demandés au grand Sobranié de Tirnovo, prépareront l’élargissement des prérogatives royales en matière de traités secrets, et, par là, l’élaboration des accords balkaniques d’où naîtra la fédération de 1912, C’est ainsi que tout s’enchaîne en Bulgarie, et même les scandales, selon la ligne politique tracée par le plus systématique et le plus prévoyant des souverains.

Le général Savof présente lui-même sa défense. Son argument