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aptes de passer avec leurs grades dans l’armée active, étend la sélection militaire à toutes les couches sociales et permet à l’officier né de sortir du rang, si tard qu’il se révèle à lui-même ou qu’il soit distingué par autrui.

Un contrôle constant du personnel, des épreuves sérieuses, vérifiées par des généraux inspecteurs, des règles d’avancement invariablement suivies déterminent le franchissement des grades et l’accession au haut commandement ; mais, ici la législation n’intervient plus seule ; et c’est la marche des événemens historiques eux-mêmes qui s’est chargée de donner à l’armée bulgare l’équipe de généraux qui viennent de la commander si brillamment.

Leurs débuts ont été rapides. Lieutenans de 1880, ils brûlèrent les étapes subalternes, se virent officiers supérieurs dès 1887, et marquèrent longuement le pas dans les grades suivans. La courbe de leurs carrières, — une montée brusque, puis un replat, — est ainsi l’inverse des nôtres, qui d’abord trainent à terre, puis se décident, et vont alors en s’accélérant.

Ils avaient eu tout le temps de se rompre au maniement tactique des bataillons et des régimens. Et l’on sait que, lourdes par elles-mêmes, ces unités pèsent d’autant plus sur l’issue du combat qu’elles semblent plus légères dans la main de leurs chefs. Maîtres de leurs instrumens, ils désiraient changer de rôle et monter d’un degré dans le corps de métier, quand les « émigrans, » se présentant à l’entrée, vinrent à leur tour demander de l’emploi.

On conçoit que ces transfuges d’hier, demain des rivaux, aient été froidement reçus. Leur procès s’instruisant publiquement, ils usèrent largement du droit de défense, et peut-être faut-il faire remonter à cette époque un certain abus d’écrire dont l’armée bulgare s’est ressentie depuis. On a vu plus d’une fois un ministre de la Guerre, un chef d’état-major faire gémir les presses et remplir les librairies de plaidoyers pro domo. Ces erremens, renouvelés des mœurs parlementaires, témoignèrent de liaisons trop étroites avec les partis. Mais ils attestèrent aussi que, dans cette nation jeune et d’opinion changeante, aucune cloison étanche n’existe entre l’armée et la société, que le jugement de l’une est le contrôle de l’autre et qu’un courant de confiance mutuelle les traverse librement.

Le temps aidant, la fusion se fit peu à peu entre les officiers