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la deuxième étape, celle d’au delà du Rhodope, comme eux-mêmes avaient fait la première, celle d’au delà du Balkan. Etonnée de les voir si froids, elle demandait à ses maîtres, étonnés de la voir si belle : « Etes-vous prêts ? Nous suivez-vous ? » Et comme ils étaient obligés de répondre que toute la politique, toute la force, tout l’argent russes étaient présentement dirigés vers l’Extrême-Orient, les germes d’un nouveau désaccord apparaissaient jusque dans ces fêtes et ces effusions.

L’hiver suivant, des salves de coups de fusil répondirent dans le Rhodope au carillon des cloches de Chipka ; on signala partout un redoublement d’activité de la part des bandes macédoniennes. Le comte Lamsdorf vint exprès de Pétersbourg à Sofia pour calmer cette effervescence, et la conséquence de son voyage fut, en janvier 1903, la chute du ministère Danef, trop docile, selon l’opinion bulgare, à ses conseils de modération. Ainsi se traduisait la sensibilité hyperesthésique avec laquelle le moindre contact russe, sur la plaie macédonienne saignante, faisait tressaillir tous les Balkans.

Ce sursaut patriotique fit revivre à Sofia l’esprit même de Stamboulof, en ce qu’il avait eu de plus actif et de plus militant. On eut alors un ministre Ratchko Pétrof. Ce gouvernement énergique, réduit à ne compter que sur lui-même, tomba bravement en garde et se tint prêt à tout événement. Heureusement, l’âme bulgare, excitée par les nouvelles du Rhodope et prise d’enthousiasme insurrectionnel, était prête à des sacrifices. On pouvait, — et le peuple approuverait, — élever de trois années le temps total passé dans l’armée active et dans la réserve, que la loi de 1897 avait fixé à dix-sept ans seulement. Vingt classes, comprenant des hommes de vingt à quarante ans, seraient alors mobilisables, deux classes actives, dix-huit de réservistes ; et comme elles auraient derrière elles six classes de miliciens, hommes de quarante à quarante-six ans, toute la population mâle du pays serait sous les armes le jour où le tumulte bulgare serait ordonné, Il est remarquable que cette prévision se soit réalisée à l’instant même du règne où elle devenait réalisable, en 1912, et que parle retour des vingt-six classes instruites depuis 1907, tout l’effort militaire accompli sous le roi Ferdinand se soit retrouvé dans la dernière mobilisation.

Chacun des élémens de la somme mobilisée aurait pu être alors de 40 000 hommes, car tel est le total des conscrits recensés