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l’appartement de Zola, sa méthode de travail, sa vie et ses doctrines : « Tout porte à croire, déclarait en terminant le candide néophyte, que le naturalisme triomphera : il a pour lui des écrivains de talent : M. Zola, c’est-à-dire un défenseur qui ne se ménage pas ; toute la jeunesse littéraire, c’est-à-dire l’avenir[1]. »

Ce mot du moins nous indique ce qui avait particulièrement attiré et séduit l’apprenti écrivain dans le programme et les ambitions de « la jeune école. » Les jeunes gens vont d’instinct vers la jeunesse : ils vont aussi vers tout ce qui brille et fait un peu de bruit ; le paradoxe, la violence, même la brutalité ne leur font pas peur, et plus leurs années d’enfance ou d’adolescence ont été comprimées, étroites et grises, plus, par réaction, ils inclinent aux gestes provocateurs et aux allures révolutionnaires. D’autre part, que l’on médise tant qu’on voudra, en littérature comme ailleurs, des écoles et des systèmes, il n’en est pas moins vrai que seules les écoles ont le pouvoir de grouper des bonnes volontés, de leur imprimer une direction commune, de les multiplier les unes par les autres, de changer le goût du public, de lui imposer de nouveaux noms et de nouvelles œuvres. Væ soli ! Il n’est pas mauvais, quand on désire passionnément le succès, et un succès rapide, de se laisser enrégimenter dans une petite armée de combattans résolus, systématiques, et un peu bruyans. Or, vers 1880, sur les débris de presque toutes nos traditions littéraires, seul le naturalisme semblait debout, seul il avait eu l’audace de se constituer à l’état d’école, avec son esthétique, son chef, ses disciples et ses œuvres. Il était inévitable que, tout frais débarqué à Paris, n’ayant pas, à ce qu’il semble, de credo personnel bien arrêté, cherchant sa voie, tout disposé à suivre, à croire et à imiter le premier apôtre venu, en quête surtout d’une initiation littéraire prompte, facile et profitable, Edouard Rod s’enrôlât sous la bannière naturaliste. Ce qu’il y avait dans le naturalisme de contraire à ses habitudes antérieures et à ses dispositions permanentes d’esprit n’était d’ailleurs point pour lui déplaire. On a noté à propos de lui, — c’est M. Firmin Roz, et la remarque est aussi fine qu’elle est juste, — qu’ « il était dans sa nature d’aimer toujours ce qui lui manquait, ce qui était différent de

  1. A propos de « L’Assommoir, » p. 106.