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ESQUISSES CONTEMPORAINES

ÉDOUARD ROD

I
LE NATURALISTE ET LE NÉO-CHRÉTIEN


« Pour moi, j’admire, j’hésite, et je doute,
et, si j’aime qu’on aime, je ne sais si j’aurai
la force d’aimer... » (Le Sens de la vie,
p. 130-131.)


Je crois très sincèrement qu’il manquerait quelque chose à cette série d’études où j’essaie de définir l’esprit et de caractériser la physionomie morale d’une même génération littéraire, si je n’y faisais pas une place à Edouard Rod. Il n’a pas eu sur le mouvement des idées contemporaines une action décisive, mais il a été un témoin singulièrement averti, impartial et fidèle de son temps. Je ne sais pas d’œuvre où se soient plus complètement et plus curieusement reflétées que dans la sienne les diverses tendances qui, depuis plus d’un quart de siècle, se sont disputé la direction de la pensée française. Ajoutez à cela qu’étant Suisse, apportant parmi nous une éducation, une culture, bref, une « mentalité » assez différente de la nôtre, il n’a pas réagi exactement, comme pouvait le faire un Français de France, contre le milieu où il s’est trouvé placé : il a mis sa note personnelle dans le concert des préoccupations d’aujourd’hui : en se réfractant dans ses livres, les courans d’idées ou de sentimens qui s’entre-croisent à travers notre vie présente