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Ardemment, ô mon âme, sois
En ce jour printanier pareille
A la miraculeuse abeille
Dont s’émerveillait saint François.

Inspecte et butine, ravie.
Les jardins du songe en passant,
Et compose un miel nourrissant
De tous les pollens de la vie.


PETITES PATRIES


Oh ! par un pur matin, sous un soleil si clair
Qu’il semble de l’ivresse éparpillée à l’air.
Découvrir, à cette heure où le travail sonore
En vibrantes rumeurs éclate avec l’aurore,
Un bourg laborieux dont le grêle clocher
De loin semblait vers nous pas à pas s’approcher !
Oh ! voir soudain dans sa rougeoyante atmosphère
Le forgeron robuste aux bras musclés qui ferre
Un cheval dont parfois bronche le chef allier !
Puis, le vieux tisserand courbé sur son métier,
Les enfans dont le groupe erre en bruyante escorte,
Le troupeau précédé de sa bergère accorte.
Et le roulier qui siffle, et le semeur qui va
Près du soc, chantant l’air qu’au hasard il trouva.
Et les vieilles chargeant du linge sur l’épaule !
Oh ! se convaincre, alors qu’on inspecte et qu’on frôle
Chaque seuil où le peuple attiré, riches, gueux,
Se grise de lumière en son instinct fougueux,
Qu’on a le même espoir et les mêmes chimères
Et le même idéal que ces fils et ces mères.
Et que c’est une part de la France qu’en soi
On grave, transporté d’allégresse et de foi !
Il n’est rien sur la terre, écoliers, qui m’emplisse
L’âme de plus de rêve et de plus de délice,
Et qui, muant mes vers d’argile en vers d’airain.
Me laisse un cœur plus fier sous un front plus serein...


LEONCE DEPONT.