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Protégeons, libre ami sous l’azur libre né,
Ce que le sort pour nous plaire nous a donné.
Laboureur, défendons le faible qu’on moleste.
Nous vivons entourés d’un mystère céleste.
D’une surnaturelle énigme ; vouons-leur
Le culte que le fruit consacre à la chaleur
Et que garde à la brise une voile fidèle.
Divine est la pitié si la vertu vient d’elle.
Veux-tu que nos travaux différens soient bénis
Par l’abeille des fleurs et l’oiselle des nids ?
Ne tendons plus l’indigne embûche qui capture.
Lors, quand nous passerons, la moindre créature,
Qui naguère fuyait l’homme fauve et hagard,
D’un regard attendri cherchant notre regard.
Sentira dans un rêve où l’amour s’insinue
Frémir une douceur jusqu’alors inconnue.
Car, éblouie ainsi qu’au temps de saint François,
Semeur ou moissonneur, frère, qui que tu sois,
Elle verra soudain dans notre humble domaine
Rayonner Dieu lui-même à travers l’âme humaine.


RENOUVEAU


Je me sens l’âme si légère
Et si fluide, ce matin.
Que, frissonnant avec le thym.
Elle tremble avec la fougère ;

Que, déjà feutré de gazon.
Le sentier vert la sollicite
Par le charme du moindre site
Ou l’attrait du moindre horizon

Et que je la crois devenue.
Parmi tant de jeux querelleurs.
Le calice orfèvre des fleurs
Ou le bord frangé de la nue.