Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 14.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme on suspend des fleurs en guirlandes tressées
A quelque autel, dévot je t’offre ces pensées.
Laisse-moi te vouer un culte si pieux
Que rien de tes splendeurs ne détourne mes yeux,
Et t’aimer à ce point de passion fervente
Que ma fidélité demeure ta servante.
Et si, plus tard, ces vers fermes et résistans
Demeurent dans le marbre incrustés par le temps,
Veuille qu’ils aient gardé leur vertu séculaire.
Parce qu’ils auront su te louer et te plaire.


VERTUS ANCIENNES


Le laboureur aux regards fiers,
Pour qui le soc d’acier ne pèse,
Dirige au soleil qui s’apaise
Deux grands bœufs rouges de Salers,

Il guide avec art l’attelage,
Comme l’ont guidé tant d’aïeux.
Et jamais nul ne soigna mieux
Ses bêtes au fauve pelage.

Le champ qu’il n’a pas déserté
Entend sa voix mâle qui vibre.
On le dit sauvage : il est libre.
Et c’est ce qui fait sa fierté.

Il achève une tâche rude.
Tandis que le soir de velours
A pas légers sur ses pas lourds
Se glisse dans la solitude.

Il se hâte, car sa maison
L’appelle, dont l’humble fumée
Tord sa spirale accoutumée
Au même pli de l’horizon.