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fera bien d’abréger ce délai qui ne sert à rien et qui peut devenir nuisible. Qu’arriverait-il si des événemens sérieux venaient tout d’un coup à se produire ?

Le premier assaut qui a été livré au ministère n’a pas été grave pour lui. Comment aurait-il pu l’être, puisqu’il avait pour prétexte l’affaire du Paty de Clam dont le ministère actuel n’était pas responsable ? Il n’y avait rien fait puisqu’il n’était pas né. En réalité, c’est M. Millerand qui était en cause pour avoir réintégré M. du Paty de Clam, et M. Messimy pour avoir promis de le faire tout en se réservant de s’en abstenir. Mais on ne pouvait renverser ni M. Millerand ni M. Messimy, l’un et l’autre n’étant plus ministres : aussi leurs explications ont-elles eu quelque chose de rétrospectif qui n’intéressait plus que médiocrement. L’affaire du Paty de Clam aurait été une très petite affaire si elle s’était produite après l’élection présidentielle, et elle l’était redevenue, l’élection une fois passée. On ne saurait trop regretter qu’un incident d’une importance aussi provisoire ait obligé M. Millerand à quitter le ministère, provisoirement aussi sans doute, mais c’est encore trop. Les interpellateurs ont essayé d’embarrasser M. Étienne en lui demandant ce qu’il aurait fait à la place de ses devanciers et ce qu’il ferait à présent. Il a déclaré n’avoir pas à s’expliquer sur le premier point et il l’a fait sur le second en termes qui ont été aussi brefs que nets : la presse lui a attribué une éloquence toute militaire. Il a réuni la quasi-unanimité de la Chambre contre le lieutenant-colonel du Paty de Clam. C’est la faute du colonel : pourquoi a-t-il cédé à la démangeaison d’écrire ? Pendant plusieurs jours, les journaux ont été remplis de sa prose. Il y reprenait, bien mal à propos, les accusations formulées dans une plainte en justice, qu’il avait retirée. Cette imprudence l’ayant mis sous le coup de mesures disciplinaires, M. Etienne a déclaré qu’il les exercerait contre lui dans toute leur sévérité : la révocation était probablement au bout. Si le lieutenant-colonel du Paty de Clam n’avait rien dit, sa situation était inattaquable : il n’a pas assez compris que la parole est d’argent, mais que le silence est d’or. L’incident, — au moins au point de vue parlementaire, — a été vidé en quelques paroles, en quelques secondes, et le ministère est sorti sain et sauf d’un danger qui n’était pas bien grand pour lui, tout au plus d’un embarras.

Il rencontrera plus de difficultés au Sénat à propos de la loi électorale. On se demandait, nous nous demandions nous-même dans notre dernière chronique quelle serait son attitude devant la Commission : elle a été excellente. M. Briand a dit qu’il n’abandonnerait