Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 13.djvu/962

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les dépenses pour l’armée de terre. Voilà ce qui résulte clairement de la double attitude prise par l’Allemagne : diminution d’armemens d’un côté, augmentation de l’autre. Est-ce à dire qu’il faille voir là une menace pour nous ? Non, assurément. L’Allemagne est pacifique et ce serait méconnaître le caractère de l’Empereur, aussi bien que celui de tout son règne, que de croire de la part de son gouvernement à des intentions agressives. Mais si on ne veut pas la guerre, on s’y prépare à Berlin avec une intelligence réaliste et une actidté remarquables. Bien que les chances de paix restent de beaucoup les plus grandes et que toutes les puissances considèrent la guerre comme une éventualité redoutable qu’il est de leur devoir d’éloigner autant que le permettent le souci de leur honneur et celui de leurs intérêts primordiaux, qui pourrait aujourd’hui se porter fort pour l’avenir, même le plus prochain ? Notre regard doit se diriger sans cesse de lautre côté de nos frontières. Nous y voyons les Balkans en feu, l’Autriche et la Russie qui ont mis sur le pied de guerre une partie de leur armée, l’Allemagne enfin qui augmente la sienne dans des proportions anormales. N’y a-t-il pas là un avertissement ?

Mais ces considérations d’ordre général ne se rattachent que par un fil à la nouvelle attitude de l’Allemagne à l’égard de l’Angleterre. Il n’y a aucune raison de croire que l’attitude de cette dernière elle-même puisse en être modifiée, car elle repose sur des raisons solides et d’un caractère quasi permanent. Ce n’est donc pas du côté de l’Angleterre que nos préoccupations doivent se tourner, mais du côté de l’Allemagne, non pas pour lui attribuer de mauvais desseins qu’elle n’a pas, mais pour nous inspirer de ce que sa politique a de simple, de réaliste et de fort. L’exemple qu’elle nous donne est celui de la fidélité à ses alliances, toujours et quand même, de la prévoyance de toutes les éventualités possibles, de l’adaptation, de la préparation à ces éventualités, enfin d’une souplesse de mouvemens qui lui permet de donner un semblant de satisfaction à l’Angleterre tandis que son principal effort se porte d’un autre côté. Et s’il faut faire demain le mouvement inverse, elle le fera. Telle est la leçon qui nous vient de l’Allemagne : nous aurions tort de ne pas l’entendre.


À l’intérieur, peu de choses. Le nouveau ministère s’installe, au milieu d’une situation qui reste encore un peu flottante et indéterminée. La phase qu’il traverse est d’ailleurs délicate, entre un président de la République qui ne l’est plus que pour la forme et un autre qui ne l’est pas encore en réalité. Si on revise jamais la Constitution, on