régler ses constructions en conséquence sur celles de l’Allemagne : si l’Allemagne ralentissait les siennes, l’Angleterre l’imiterait et elle l’imiterait aussi, si l’Allemagne les accélérait, de manière que la proportion de 60 pour 100 fût toujours observée. Ce discours avait quelque chose, non seulement de ferme, mais de sec, de péremptoire, de coupant ; on a pu se demander au premier moment quel effet il produirait à Berlin ; mais il a été difficile de s’en rendre compte car, à Berlin, on est demeuré impassible et muet. C’est seulement aujourd’hui, au bout d’un an, que l’amiral de Tirpitz est venu dire à une Commission parlementaire que la proportion déterminée par l’Amirauté anglaise pouvait suffire à l’Allemagne, — pour quelque temps. Qu’il y ait quelque chose de nouveau dans ce langage, c’est incontestable, puisque l’idée d’une proportion, c’est-à-dire d’une limitation dont la règle serait prise à l’étranger, avait toujours paru odieuse au gouvernement allemand et qu’il l’avait rejetée avec hauteur ; mais si le langage est changé, les faits restent les mêmes. Il n’y a pas trace d’une entente entre les deux pays, et c’est seulement d’une intention du gouvernement allemand que l’amiral de Tirpitz a fait part à la Commission du Reichstag. Il juge la situation actuelle provisoirement suffisante : soit, l’Angleterre s’y tiendra de son côté, conformément à l’assurance que M. Churchill en a donnée l’année dernière. Si l’Allemagne construit moins de navires, l’Angleterre en construira moins. Si l’Allemagne n’en construit pas du tout, l’Angleterre s’abstiendra également. Contrairement à ce qui s’est passé à Fontenoy, c’est à celui qui ne tirera pas le premier. Tout cela à terme d’ailleurs, et le terme sera fixé par chaque partie suivant sa convenance. M. Winston Churchill n’a-t-il pas dit que, dans quelques années, dans peu d’années même, à mesure que la vieille flotte de l’Angleterre deviendra hors d’usage, les constructions se régleront suivant des proportions différentes ? Celles d’aujourd’hui sont toutes provisoires ; elles n’enchaînent pas l’avenir ; les deux pays gardent leur liberté. À les examiner de près, les paroles de l’amiral Tirpitz ne veulent dire que cela et celles qu’y a ajoutées M. de Jagow, le nouveau ministre des Affaires étrangères, n’y ont pas apporté d’autres lumières. L’impression éprouvée par quelques-uns de nos journaux, qui ont vu là le commencement d’une politique nouvelle, ne s’explique donc pas très bien. Ils ont même ajouté que le développement de cette politique amènerait un remaniement de la carte coloniale d’Afrique, ce qui est du domaine de la pure fantaisie.
Que la résolution prise à Berlin cause de la satisfaction à Londres,