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était autrefois d’une efficacité immanquable, mais tout s’use et nous ne savons pas dans quelle mesure la défense laïque servira aujourd’hui à son véritable but qui est la défense ministérielle. Contentons-nous de souhaiter que la liberté de l’enseignement en sorte indemne.

A peine formé, le nouveau ministère a eu à soutenir devant la Chambre plusieurs interpellations qu’on a, pour la commodité, réunies en une seule : elle a porté sur la politique générale. Il y a naturellement été question d’un peu de tout, sans qu’on ait appuyé beaucoup sur rien. En somme, cette première bataille a eu lieu à fer moucheté, et personne ne s’y est engagé à fond. Les partis se sont contentés de prendre position les uns à l’égard des autres et n’ont envoyé à la tribune que des doublures : nous faisons exception pour M. Jaurès, mais son intervention a été accidentelle et il n’a pas paru y attacher lui-même une grande importance. On a voulu surtout amener M. Briand à faire des déclarations dont on tirerait, par la suite, le parti qu’on pourrait. Malheureusement, M. Briand était un peu souffrant, et son discours s’en est ressenti ; il s’en est excusé lui-même. La question principale sur laquelle le débat a porté a été la question électorale : elle a été posée en termes très brefs par M. Charles Benoist, qui a jugé tout à fait inutile de la développer une fois de plus devant la Chambre et s’est contenté de mettre M. Briand en demeure ou en mesure de s’expliquer. Faut-il le dire ? M. Briand ne s’est pas expliqué bien clairement ; il a paru éprouver un certain embarras. Déjà, lors de son dernier ministère, il avait montré de l’hésitation à prendre parti entre les solutions en présence et il avait cherché à les concilier. Il semble bien que ce soit ce qu’il cherche encore aujourd’hui ; mais y parviendra-t-il ? Il a dit, dans sa déclaration ministérielle, qu’il comptait pour cela sur l’aide du Sénat, ce qui a provoqué quelque hilarité. On sait que le Sénat, dans sa grande majorité, est hostile à la représentation proportionnelle opérée au moyen du quotient électoral. Avant son élection à la présidence, on comptait sur M. Poincaré pour vaincre la résistance de la haute Assemblée en posant, au besoin, la question de confiance. Le Sénat aurait hésité à prendre devant le pays la responsabilité de renverser le ministère Poincaré. Que fera-t-il en présence du ministère Briand ? Que fera M. Briand en présence d’un Sénat récalcitrant ? Après l’interpellation de la Chambre, on ne sait trop qu’en dire. Cependant la Chambre, à une forte majorité, a voté un ordre du jour de confiance dans les déclarations et les promesses du gouvernement ; mais il y a eu un très grand nombre d’abstentions,