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occasions de faire usage. Le ministère des Affaires étrangères a été confié à M. Jonnart, et il était difficile de faire, dans le Parlement, un choix meilleur. M. Jonnart a été, à deux reprises différentes, gouverneur général de l’Algérie. Administrateur éminent, il a laissé dans notre grande colonie des souvenirs qui ne s’effaceront pas. L’Algérie est un gouvernement tout entier : l’homme qui en est chargé doit mettre en œuvre les facultés les plus diverses, y compris les facultés diplomatiques, et si M. Jonnart ne connaît pas encore dans le détail les questions nouvelles qu’il est appelé à traiter, il est préparé à se les assimiler. Son activité, sa puissance de travail sont très grandes. Au reste, il aura, au moins pendant les premiers temps, un collaborateur précieux dans M. Poincaré qui, lui non plus, n’avait pas fait une étude spéciale des questions diplomatiques et n’en connaissait pas le maniement lorsqu’il est entré au quai d’Orsay, mais n’a pas eu besoin de beaucoup de temps pour se mettre au fait. A la Guerre, M. Briand a placé M. Etienne. Dans les circonstances actuelles, il y fallait un homme qui n’eût pas tout un apprentissage à faire et qui pût, sans qu’on sentît trop l’interruption, se mettre à l’œuvre là où l’avait laissée M. Millerand. M. Etienne pouvait être cet homme. Il a été déjà ministre de la Guerre ; il a laissé de bons souvenirs rue Saint-Dominique ; l’armée avait reconnu en lui un ministre qui l’aimait, et qui, sentant le poids de sa responsabilité, savait mettre les intérêts militaires au-dessus des préoccupations politiques. De plus, M. Etienne jouit de grandes sympathies dans le monde parlementaire, ce qui n’est pas indifférent. Quant à M. Pierre Baudin qui devient ministre de la Marine, c’est un des membres les plus laborieux du Sénat ; il se mettra tout entier à sa tâche avec l’ardent désir de bien faire. Enfin, il fallait remplacer M. Briand lui-même à la Justice, car il passait à l’Intérieur : il y a mis M. Louis Barthou qui a été trop souvent ministre pour que nous ayons à le présenter à nos lecteurs et dont on connaît le rare talent oratoire. Nous ne dirons rien des autres chasses-croisés qui se sont produits dans le Cabinet : il faut cependant signaler le passage de M. Steeg du ministère de l’Intérieur à celui de l’instruction publique. C’est ce dernier, en effet, qui est la forteresse de la « défense laïque » dont on recommence à parler beaucoup et dont nous avons d’ailleurs entendu parler en tout temps lorsqu’un ministère, n’étant pas bien sûr de sa majorité, cherchait à la reformer provisoirement ou à l’affermir. Si on parle tant aujourd’hui de la défense laïque, c’est sans doute parce que le Cabinet compte sur cet appât pour ramener à lui le parti radical qui s’en éloigne. Le procédé