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LA
RECHERCHE DE LA PATERNITÉ


I

Le 1er septembre 1883, Ferdinand Brunetière écrivait ici : « Si nos lois devaient permettre un jour la recherche de la paternité, bien loin d’y voir le principe d’une heureuse réforme ou correction des mœurs, il y faudra reconnaître l’une de ces diminutions de moralité que la loi elle-même est obligée de consacrer quelquefois afin de ne pas devenir lettre morte et de retenir à tout prix, au milieu d’une société qui s’en va, quelque ombre au moins de son prestige antique. »

L’événement s’est accompli ; la recherche de la paternité est désormais permise ; la loi qui consacre cette nouveauté a été promulguée le 17 novembre 1912, et c’est évidemment, parmi les réformes qui touchent aux mœurs, une des plus graves depuis le Code civil et le début du XIXe siècle. On ne la jugera très exactement que par ses conséquences ; et ces conséquences elles-mêmes, nul ne peut dire ce qu’elles seront. Du moins, il est possible de l’apprécier dans son objet comme dans les raisons qui l’ont inspirée. En ce sens, il est naturel de se demander d’abord si notre époque mérite la condamnation que Brunetière prononçait par avance contre le temps qui inscrirait dans ses lois la recherche de la paternité. Est-il vrai que, depuis 1883, la moralité ait diminué, et qu’en somme cette diminution ait imposé un changement, sans lequel la loi ancienne serait restée