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éclatèrent. A Raguse, le 17, on entendit des cris de « A bas l’Empereur ! » En Bosnie, l’unanimité moins un des députés orthodoxes à la diète signa un manifeste affirmant la solidarité de tous les Serbes (17 novembre). Le lendemain, un cortège de 3 000 musulmans acclamaient l’Autriche. Les Croates de Bosnie, hésitans et inquiets, ne sont pas loin de se laisser gagner par l’enthousiasme des orthodoxes. A New-York, le 14 décembre, eut lieu un grand meeting de « Slaves autrichiens » pour protester contre « l’ingérence de l’Autriche-Hongrie dans les affaires des Slaves balkaniques. » La Croatie, malgré le régime policier auquel elle est soumise, n’a pas manqué de manifester sa joie et ses sympathies pour les vainqueurs. Ces manifestations ont causé la plus vive alarme à Vienne ; on y redoute de voir naître et se développer chez les Slaves du Sud un esprit particulariste, peut-être même séparatiste, qui serait un grave péril pour la monarchie. La Hongrie et l’Autriche ne touchent à la mer que par des pays croates ou italiens : Fiume est en pays croate ; Trieste et Pola sont italo-slaves. La très grande majorité des) marins de la flotte sont des Croates de Dalmatie. Le bruit a couru que des complots avaient été découverts parmi les équipages. Privées des pays croates, l’Autriche et la Hongrie seraient séparées de la mer ; un grand État jougo-slave, s’il se constituait en hostilité avec l’Empire, barrerait la route des Balkans et de l’Adriatique aux Allemands d’Autriche et aux Hongrois.

L’agitation suscitée dans tous les pays slaves de l’Empire par les victoires des alliés balkaniques a redoublé quand le gouvernement de Vienne a rappelé les soldats en congé et mobilisé une partie des réserves. Beaucoup d’incidens ont été soigneusement cachés ; ce que nous en savons est déjà significatif. En Bohême, par exemple à Pilsen, à Kolin, à Hohenmauth, il y a eu des mutineries, des commencemens de rébellion ; on a vu des cavaliers briser leurs sabres, des fantassins jeter leurs fusils au cri de : « Vive la Serbie ! » Des officiers ont été bousculés, frappés ; des ouvriers appelés à la frontière se sont fait couper les doigts par des machines. Il est juste d’ajouter que ces manifestations étaient antimilitaristes autant que slavophiles : à Hohenmauth, par exemple, le régiment d’infanterie, commande pour réduire les lanciers mutinés, et qui lui-même a refusé de marcher, était composé exclusivement d’Allemands. De quelque