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Te laisseras-tu prendre au charme des voyages ?
Tes yeux aimeront-ils les nouveaux paysages ?
Le multiple décor de ce monde changeant ?
Ou la sauvage Ecosse aux collines rosées ?
Ou l’Italie et la splendeur de ses musées ?
Ou la Suisse et ses lacs d’argent ?

Sauras-tu pénétrer la tristesse des choses ?
Croiras-tu quelquefois, en respirant des roses,
T’imprégner du parfum grisant de l’univers ?
Ton cœur frémira-t-il à la musique douce ?
Au murmure berceur d’un ruisseau sous la mousse ?
A la caresse d’un beau vers ?

Auras-tu comme moi l’horreur des âmes viles ?
De l’intérêt brutal, des actions serviles,
De tout ce qui veut l’ombre et tremble à la clarté ?
Par contre, aimeras-tu la gaillarde franchise,
L’honnête bonhomie, et cette fleur exquise
Que l’on appelle la Bonté ?

Auras-tu la pitié des misères frôlées ?
Comprendras-tu le deuil des âmes désolées,
Et de tout ton pouvoir le soulageras-tu ?
Plus que les triomphans, qu’on loue et qu’on encense.
Sauras-tu vénérer l’humble et discret silence
Qui souvent cache la vertu ?

En ce monde où tout passe et fuit à tire-d’aile »
Sentiras-tu le prix d’une amitié fidèle ?
Après moi, sauras-tu d’un souvenir pieux
Entourer les chers morts que j’aime et que je pleure ?
Sauras-tu, dans ton cœur comme dans ta demeure.
Garder le culte des aïeux ?