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sur sa candidature, et nous sommes plus à l’aise pour parler de l’homme lui-même qui est aimable, obligeant, séduisant et qui a des sympathies personnelles dans tous les partis. C’est bien là-dessus que comptaient les radicaux-socialistes lorsqu’ils l’ont choisi pour candidat. On peut douter que M. Bourgeois les représente exactement. Sans doute il a toujours été fidèle à leurs idées, il a toujours servi leur programme, il a marché toujours avec eux, mais l’aménité de son caractère et sa courtoisie naturelle tranchent avec ce qu’il y a chez eux d’âpre et de brutal. Il semble que, dans toute sa carrière, il se soit beaucoup plus soucié de se créer une clientèle que de former et de conduire un parti. Il agissait trop peu pour se faire des ennemis, et le recueillement dans lequel il s’enfermait laissait la place aux autres. Toutes les fois qu’une crise ministérielle se produisait, c’était un rite consacré d’aller tout d’abord offrir à M. Bourgeois la mission de former un nouveau Cabinet ; mais on savait d’avance qu’il éloignerait de lui ce calice, et on gardait devant sa porte le fiacre qui devait conduire ailleurs ; le geste toutefois semblait être obligatoire. Ce qui vient de se passer pour la présidence de la République avait donc eu déjà de nombreux précédens ; le dénouement, cette fois, a été le même que dans le passé ; on y a mis seulement de part et d’autre plus d’obstination. Il faut ajouter, pour compléter le personnage de M. Léon Bourgeois, qu’il a une valeur internationale qu’on aurait vainement cherchée chez tout autre représentant du parti radical-socialiste. Les « Mares stagnantes » manquent de rayonnement, et les célébrités d’arrondissement, ou même de département, sont peu connues au dehors. Mais M. Bourgeois, outre qu’il a été à deux reprises différentes ministre des Affaires étrangères, a voyagé en Europe et partout où il est allé, sa bonne grâce a opéré, l’impression qu’il a laissée a été très bonne. Enfin il a représenté la France à la Conférence de la Haye et dans ce milieu spécial, composé d’hommes qui n’avaient pas tous l’expérience des assemblées, son esprit bienveillant et conciliant, son habileté à trouver des formules transactionnelles pour mettre tout le monde d’accord, l’ingéniosité de son esprit et le liant de ses manières ont rendu d’incontestables services à la cause qu’il défendait au profit de l’humanité et de la paix. Ce sont là des titres sans doute. Ils sont tels que, si M. Bourgeois s’était présenté à la présidence de la République, il aurait rencontré des adhésions même au delà de son parti. Les radicaux le savaient et ils triomphaient d’avance, au profit de leur drapeau, des complaisances et des faiblesses qu’ils espéraient rencontrer un peu partout. Mais M. Bourgeois, en dépit de la pression qu’ils ont