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j’ai étudié de la sorte la forme diplomatique et si je me figure mon Bourbonne ou mon Brévannes[1] en affaires, je puis écrire une dépêche ou faire une note qui a l’air de quelque chose : mais si l’on grattait un peu, on verrait qu’il n’y a pas là plus de fonds que dans les discours et les plans de guerre du général Robert[2]. Une certaine facilité à saisir les formes et s’assimiler les choses : voilà tout...

Le découragement amène la routine, et tous les deux procèdent du défaut de critique. Ce défaut de critique me désole chez les nôtres. Ils ont un engouement de 89 qui les aveugle ; ils croient que cette petite convulsion d’un organisme, cette révolution d’une cellule humaine, a changé l’ordre du monde et que la terre tourne depuis 50 ans autrement qu’elle ne faisait. Ni nos défaites, ni cette ignoble éruption de la Commune n’ont pu les avertir. Ils ne comprennent pas que l’organisme était atteint dans ses profondeurs, qu’il ne se réparait plus, qu’il ne s’assimilait plus, que les élémens morbides absorbaient et tournaient à eux toute la substance absorbée, qu’il y avait anémie en un mot et pire encore... La vieille Europe s’en va ; ce n’est pas nous seulement, mais tout l’ordre des choses fondé par le christianisme sur les débris de Rome : la France peut encore faire bonne figure dans cet effacement général mais, en vérité, elle n’en prend pas le chemin. Il ne surgit pas un homme, ni une idée. Cette guerre n’a point enfanté un général ; à part Faidherbe, que je ne connais pas bien, les autres ne sont que des officiers de second plan, nécessaires, mais non suffisans. Trochu a de l’âme et l’étoffe d’un chef d’état-major et d’un réformateur : on l’admire, on l’écoute et on ne le comprend pas. Cette révolution n’a pas soulevé un homme. Thiers est un recrépisseur, rien autre. Il remet les choses en état, bouche les lézardes du mur et badigeonne la maison : cela ne suffit pas. Après la Ligue, nous avons eu Henri IV qui avait Sully, qui a laissé Richelieu. Après la Fronde, nous avons eu Louis XIV avec les gens que tu sais. Après le Directoire, Bonaparte. Mais les grands hommes ne sont pas des monstres, ils ne surgissent pas de l’écume de la tempête et ne sortent pas tout armés du cerveau de Jupiter. Ils sont un phénomène comme les autres, logique et conséquent : ils ne sont pas un accident. Napoléon venait au

  1. Noms de guerre d’Albert Sorel et d’Albert Eynaud.
  2. Personnage de la Grande Falaise.