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même pied que celui de l’État, en lui attribuant une part égale, ou du moins semblable, dans les deniers du contribuable. Nous ne discuterons pas aujourd’hui les programmes des deux partis, nous ne les exposerons même pas, car la place nous manquerait pour le faire : chacun apportait à la défense du sien une ardeur qui était encore augmentée chez les libéraux par l’espoir d’une victoire prochaine, qu’ils jugeaient même certaine, et qui n’était pas diminuée, tant s’en faut, chez les catholiques par le sentiment du danger. Le jour du vote est venu enfin le 2 juin. A ce moment, la situation des deux partis était la suivante : la droite avait 86 sièges à la Chambre et 64 au Sénat ; t’opposition avait 80 sièges à la Chambre et 46 au Sénat. La majorité gouvernementale était donc de 6 voix dans une Chambre et de 18 dans l’autre. Après les élections, les catholiques étaient 101 à la Chambre et les opposans 85 ; la majorité y passait de 6 à 16 voix ; il est à croire que la même proportion se retrouvera bientôt dans le vote qui doit compléter le Sénat ; mais, dès maintenant, la victoire des catholiques est acquise et elle a dépassé ce qu’ils avaient eux-mêmes espéré.

D’où vient ce résultat ? On lui a attribué des causes diverses. Les libéraux ont accusé le scrutin de liste avec représentation proportionnelle, et naturellement ils ont trouvé de l’écho en France. Ils ont accusé aussi le vote plural, accordé à certains électeurs qui présentent des conditions particulières de fortune ou de capacité. Mais on leur a répondu, avec grande raison, que la représentation proportionnelle et le vote plural existaient aux élections dernières, ce qui n’avait pas empêché le parti catholique de perdre du terrain et le parti libéral d’en gagner. S’il y a eu aujourd’hui un phénomène inverse, il faut donc bien en chercher la cause en dehors de la loi électorale, puisque, bonne ou mauvaise, elle est restée la même. On convient en général que cette cause a été surtout dans l’alliance électorale qui s’est produite entre les libéraux et les socialistes et dans le cartel qu’ils ont arrêté entre eux. La décomposition des scrutins montre avec évidence que des électeurs qui avaient, à l’élection précédente, voté pour des libéraux, l’ont fait cette fois pour des catholiques. Pourquoi, sinon parce qu’ils craignent plus en ce moment le danger des entreprises socialistes que celui de l’intolérance religieuse ? Les socialistes, comme les libéraux, se croyaient sûrs du succès, au point qu’ils émettaient publiquement leurs exigences au point de vue de la composition du futur gouvernement. Cela prouve une fois de plus qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours, ni non plus se la disputer, avant de l’avoir mis par terre. Le