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avec rapidité et vigueur. La supériorité de notre armement, de notre discipline, de notre tactique n’a pas tardé à mettre l’ennemi en déroute et la sûreté de ses manœuvres a valu très légitimement au colonel Gouraud le grade de général. Nous nous étions, comme on dit, donné de l’air en repoussant les bandes marocaines dont le flot venait battre les murailles de Fez. Le résultat a été de nous assurer quelques jours de répit et de dégager les abords de la ville, ce dont le général Lyautey a profité pour permettre au Sultan et à M. Regnault d’en sortir. La route de Fez à Rabat a paru assez déblayée maintenant pour que Moulaï Hafid pût la parcourir sous la protection d’une escorte. Arrivé à Rabat, que fera-t-il ? Abdiquera-t-il, comme il en a annoncé la ferme intention ? Retrouvera-t-il assez de sang-froid pour attendre les événemens avant de prendre un parti définitif ? Sa neurasthénie se dissipera-t-elle dans une atmosphère plus calme ? Nous n’avons assurément aucun intérêt à ce qu’il abdique, car sa succession engendrerait des difficultés nouvelles ; mais on affirme que, dans l’état de décomposition morale où il est tombé, il ne peut plus, au moins pour le moment, nous donner aucun concours utile. La souveraineté effective du Sultan était, au Maroc, assez peu de chose ; ce peu de chose valait pourtant mieux que rien, et un des premiers soins du résident général est de reconstituer, au moyen du Maghzen, une apparence, ou plutôt, si cela est possible, une réalité de pouvoir. On voit combien la situation, soit politiquement, soit même militairement, est encore précaire et incertaine au Maroc : on commence toutefois à y sentir l’intervention d’une intelligence et d’une volonté nouvelles, et cette constatation augmente nos regrets du temps qu’on a perdu avant d’y envoyer le général Lyautey.


Les élections belges ont été une surprise pour tout le monde, en Belgique et à l’étranger. Le parti catholique est au pouvoir depuis plus d’un quart de siècle et, depuis quelque temps, à chaque élection nouvelle, il perdait deux ou trois membres d’une majorité qui finalement était réduite à six voix. Il semblait mis au régime de la peau de chagrin qui diminuait sans cesse et à la durée de laquelle la sienne propre était attachée : encore une élection, et c’en était fait. Ces probabilités semblaient encore accrues à cause des divisions qui s’étaient produites dans le parti et avaient amené la chute de M. Schollaert sous les coups de M. Woeste. Enfin la question scolaire agitait les esprits, et les libéraux croyaient fermement que la majorité du pays se détachait d’un gouvernement qui mettait l’enseignement libre sur le