importante et accompagnée de musique. Mais cela n’en change pas le caractère essentiel. Plutôt qu’une pièce de théâtre, au sens habituel du mot, c’est une série de scènes dialoguées, où M. Brieux s’est essayé à écrire un drame philosophique, dans la manière de Renan.
La philosophie qui s’y exprime est bien connue : c’est celle des « philosophes » du XVIIIe siècle et plus spécialement de Voltaire. Elle consiste à penser que la religion est une invention de quelques ambitieux qui se sont avisés de ce moyen pour imposer leur domination aux hommes ignorans et crédules. Par d’ingénieuses supercheries ils ont répandu cette illusion qu’ils commandaient à toutes les forces de destruction, élémens, fléaux, maladies, devant lesquelles tremble notre faiblesse. Et ils ont donné à croire qu’ils étaient en communication directe avec des dieux qui, soit dit entre nous, n’existent pas. Ainsi les thaumaturges s’imposèrent aux hommes et aux maîtres des hommes : une alliance fut conclue entre les prêtres et les rois. D’ailleurs ce mensonge est si ancien et l’hérédité l’a implanté en nous à de telles profondeurs, que nous ne pouvons plus l’en arracher. Nous sommes pareils à ces prisonniers faits à leur captivité et qui réclament leur cachot. Au surplus, il faut être juste : la peur a quelques bons effets : elle met un frein aux instincts de violence et de brutalité : c’est la meilleure discipline. L’illusion, elle aussi, a son utilité : la vaine espérance nous fait prendre en patience la réalité de nos maux. Tout bien compté, mieux vaut se servir de la religion que la détruire : il faut une religion pour le peuple…
M. Brieux a placé son drame, comme il convenait, dans la vieille Egypte, terre privilégiée des religions, fertile en dieux de toutes les tailles, de toutes les formes et à tous les usages. Chaque année, une jeune fille doit être sacrifiée au Nil, qui ne déborde qu’à cette condition. Heureuse, la victime désignée ! se disent entre elles les jeunes filles sur qui pèse la menace du choix divin. « Trois jours avant la date fixée, dans toute la ville et dans la terre entière, on commencera les préparatifs de la fête… Et elle, elle, l’Élue, la Salvatrice, sortira entourée de tous les grands prêtres d’Ammon vêtus de pourpre et d’or ; et du haut d’un char élevé où brûleront des parfums, elle verra le peuple tendre ses bras innombrables vers elle. Elle sera étourdie par les bruits éclatans des fanfares et par les cris d’allégresse. Et elle sera conduite au Nil. Elle montera dans la barque d’Ammon, dans la barque sortie des profondeurs du sanctuaire. Et la barque s’éloignera du rivage où toute une foule sera prosternée. Et la barque reviendra sans elle. » Pour un sort digne d’envie, c’est un sort digne d’envie ; cependant