Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/922

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Comme toi je connais la région terrible
Où d’implacables traits la lumière nous crible,
Le mirage menteur, la soif inextinguible ;

J’ai dû le traverser, le pays âpre et beau
Où de ma chair saignante est resté maint lambeau,
Les ravins sans verdure et les rochers sans eau ?

Dans le silence trop profond qui nous oppresse
Et la splendeur écrasante à notre faiblesse.
J’ai suivi le chemin dont chaque pierre blesse.

Et j’en ai rapporté des arômes exquis.
Des baumes, des trésors avec douleur conquis
Sur les sables, les rocs, les épineux maquis,

Et des chants qui charmaient pour une heure ma peine.
Toi, dans la cour sacrée, au bord de la fontaine,
Tu vas goûter enfin une paix souveraine.

Au seuil de la mosquée où vient mourir le bruit,
Tu pourras sommeiller de l’aurore à la nuit,
Et laver ta poussière au flot qui danse et luit.-

Farouche pèlerin, faut-il que je t’envie
Pour cette halte après le labeur de la vie,
Pour ta route achevée et ton âme assouvie ?

Ne trouverai-je pas quelque part, sous les cieux.
Un repos plus profond et plus délicieux,
Une source qui lave et désaltère mieux ?


PARFUMS DISPERSÉS


Le vaisseau lève l’ancre : adieu, monts où j’errais
Ivre de vent et de lumière.
Ravins divinement mystérieux et frais
Où chante dans un lit de pierre
L’eau printanière.