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qui dit nettement : « Je pars ; » et qui part effectivement.

Elle n’a à ce moment qu’un regret, c’est de se séparer, par sa faute, de son mélancolique et charmant et douloureux consolateur, son beau-frère, Maxime Lozet, jeune idéaliste délicieux, qui n’aime qu’elle, de l’amour le plus pur du monde et est miné par on ne sait quelle maladie, bien probablement mortelle.

Madeleine erre de pays en pays, traînant sa vie lourde et d’autant plus lourde qu’elle est vide. Elle revient à Paris, qui est la ville où il est encore le plus facile de se cacher et de se terrer. Elle habite la triste ile Saint-Louis, qui s’accommode merveilleusement à la situation de son âme. Elle se reprend, forcément, au goût de la lecture. Tous les livres frivoles la rebutent. Peut-on lire des romans quand on en vit un et le plus douloureux qui puisse être ? Les livres d’inspiration religieuse l’attirent, d’abord seulement par le désenchantement dont ils sont pleins à l’égard du « monde » et de la vie telle que les hommes l’ont faite. Son aigreur y trouve aliment, ou voix basse et sourde qui lui répond.

Puis, la recherche de la consolation et la consolation elle-même et un commencement de l’amour de Dieu s’insinuent. Les livres religieux sont très machiavéliques. Ils nous prennent d’abord par certains de nos défauts : misanthropie, pessimisme, désabusement, horreur de la vie. Ils ont cela à leur base. Puis, peu à peu, ils invitent à les gravir et l’on trouve à leur faite l’amour de toutes les choses qui détruisent ou plutôt qui renversent, qui retournent ces défauts-là Il ne faut pas haïr les hommes, quoique haïssables, parce qu’ils sont toujours malheureux ; il ne faut pas détester la vie, quoique mauvaise, parce qu’à la détester on la fait plus mauvaise encore ; il ne faut pas trouver tout mal fait, parce que l’imperfection des choses postule, et en la postulant démontre une réparation nécessaire et pour ainsi dire inévitable dans un autre plan de l’univers.

Voilà les idées, en tout cas très salutaires, que Madeleine puise dans l’Imitation, dans Pascal et dans saint François de Sales.

Tout cela l’amène peu à peu à fréquenter certain couvent, à converser avec certain aumônier qui est un grand manieur d’âmes et qui, prudemment, savamment, par degrés, et ne faisant assaut que quand il est sûr que le terrain gagné est bien acquis, achève la conversion de Madeleine.