s’il l’avait épousée, pour porter infiniment haut toutes ses entreprises ; et la très accommodante Mme Cartier a divorcé très sympathiquement d’avec M. Cartier et, richement indemnisée du reste, est redevenue, sinon Mlle de Lérins, du moins Mme de Lérins.
A Paris, où naturellement elle est revenue, elle fait connaissance avec l’aimable, gracieux et timide Julien Delbray. Celui-ci l’aide, avec son érudition et son goût d’amateur d’ameublemens, dans son installation à Paris. Ils deviennent camarades, très bons et très sympathisans camarades.
Sur quoi Mme de Lérins se pose deux questions : « M’aime-t-il, d’amour. ? Est-ce que je l’aime d’amour ? » Et elle se livre à des analyses très délicates dans lesquelles je me félicite de n’avoir pas le temps d’entrer, parce que j’aime mieux que vous en preniez connaissance dans le volume. Ces analyses ne la mènent du reste à aucune conclusion. Il est très difficile de savoir si un oisif qui vous consacre toutes ses après-midi vous aime d’amour, ou simplement vous préfère à son cercle. Ah ! s’il avait des occupations qui lui prissent huit heures par jour et que cependant il en consacrât six à Mme de Lérins... Mais, au moins, que ne parle-t-il ? La très intelligente Mme de Lérins comprend très bien que, s’il parlait, elle n’en saurait pas davantage, ce que l’on dit n’ayant, en pareille matière, aucune valeur documentaire.
Et, donc, elle se répète : « M’aime-t-il ? »
Un fait lui donne à cet égard une demi-conviction. Elle apprend avec une absolue certitude, puisque c’est Mme de Jusainville qui le lui dit elle-même, que Mme de Jusainville a fait du côté de Julien une tentative qui est demeurée infiniment vaine et qu’il lui a été répondu : « J’en aime une autre passionnément. » A la vérité, cette autre, tout en étant assurément une autre que Mme de Jusainville, pourrait aussi être une autre que Mme de Lérins. Cependant il est à peu près certain que c’est Mme de Lérins qu’aime M. Julien Delbray.
Reste la seconde question : « Est-ce que j’aime M. Delbray ? » Mme de Lérins se la posait encore en s’embarquant sur l’Amphisbène. L’Amphisbène est un yacht de plaisance, où le pauvre Hurtin, neurasthénique, fait une croisière avec sa bonne et vénérable tante, en compagnie de Delbray, de Mme de Lérins et de quelques autres visages plus pâles. Sur le bateau et dans les villes que