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LE
CONSEILLER DE FRANÇOISE

Il y a quelques années, quand parurent les Demi-Vierges, plusieurs personnes ne devinèrent pas que M. Marcel Prévost serait un moraliste. Et il était un moraliste déjà. Mais, avant de corriger son époque, il la faut peindre ; avant d’indiquer les remèdes, il faut diagnostiquer la maladie. Les moralistes ont ainsi deux périodes ; et l’on s’aperçoit de leur qualité dogmatique plus ou moins tôt, selon qu’ils s’attardent plus ou moins à leur étude préalable, qui d’ailleurs a de l’agrément.

L’auteur des Demi-Vierges signalait, si l’on peut ainsi parler, une crise de la jeune fille française. Nous en eûmes beaucoup de chagrin, parce qu’il nous semblait que notre jeune fille était l’une des plus jolies et précieuses réussites de notre civilisation, notre chef-d’œuvre, un peu artificiel sans doute et bien délicat, bien fragile : nous l’en aimions davantage et avec une sorte de précaution émerveillée. Or, le chef-d’œuvre n’était plus qu’un demi-chef-d’œuvre et notre jeune fille qu’une demi-jeune fille.

M. Marcel Prévost résolut de la reconstituer. C’est à ce digne projet qu’il a consacré les trois séries de ses Lettres à Françoise, qui composent un bel ensemble de persuasive et saine pédagogie.

Notre époque a, désormais, son Fénelon, pour ce qui est de l’éducation des filles.

Un Fénelon moderne ; et un Fénelon qui n’est pas chimérique. A divers égards, Bossuet l’eût préféré à l’autre : il eût aimé en lui l’un de ces « prêcheurs de communes, » très attentifs