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de trois quarts de siècle. Déjà, quoique l’on puisse considérer ce phénomène comme encore distant, on en découvre certains symptômes. On lit dans un document officiel de l’un dernier. « A cette cause d’accroissement pour la population européenne, — l’excédent des naissances sur les décès, — est venue s’en ajouter une autre : l’immigration ; mais les résultats n’en sont pas brillans. Une seule année, 1909, a donné un chiffre d’immigrans supérieur à 10 000, pendant que 1901, 1902, 1904 et 1907 présentaient malheureusement un chiffre de sorties supérieur aux entrées. Tout compte fait, l’Algérie a reçu, en dix ans, 34 000 émigrans. C’est peu, d’autant plus que, — il est triste de le constater, — un certain nombre d’Algériens émigrent chaque année[1]. »

Aux 840 000 habitans européens, dont 45 p. 100 environ d’origine française, qui se trouvent maintenant en Algérie et en Tunisie, il faut joindre environ 150 000 Israélites indigènes, dont la moitié peut être considérée comme déjà européanisée, et l’autre moitié comme devant l’être graduellement.

Il ressort de ces constatations qui, sans répondre aux espérances des esprits ardens, sont néanmoins réconfortantes, qu’on ne doit pas se flatter que la population européenne arrive jamais en Algérie et en Tunisie à égaler la population indigène : nous croyons même que le rapport numérique de l’une et de l’autre n’a aucune chance de se grandement modifier : la population indigène s’accroit automatiquement en Algérie d’environ 1 et demi p. 100 par an ; c’est aussi à peu près jusqu’ici la proportion d’accroissement de la population européenne : 7 indigènes pour 1 Européen, voilà le rapport jusqu’ici resté à peu près constant et qui ne parait avoir aucune chance de se modifier en faveur du dernier élément.

Il n’y a pas lieu de s’alarmer de ce rapport numérique. Les Romains ne paraissent pas avoir été dans une situation meilleure que les Français et ils ont gardé, civilisé la plus grande partie de l’ancienne Barbarie durant huit siècles ; ils y ont laissé, du moins sur le sol, les restes les plus imposans.

Si nous insistons sur ces rapports numériques, c’est que la politique doit en tenir compte. Cette population indigène au milieu de laquelle un nombre notable, mais très inférieur, d’Européens,

  1. Gouvernement général de l’Algérie. Délégations financières, session de mai 1911, 2e partie, page 38.