comptait environ 2 millions à 2 millions un quart d’indigènes et à peine quelques milliers d’Européens dans une situation des plus misérables, sinon même à l’état d’esclavage. En quatre-vingts ans de domination française, cette situation s’est singulièrement modifiée. D’après le résumé officiel du recensement de 1911, l’Algérie compte 4 708 838 habitans musulmans, soit deux fois et quart environ le chiffre du moment de la conquête, et 788 752 habitans européens ; il faut, toutefois, apporter à ce dernier chiffre certaines corrections : d’abord, il comprend l’armée et, si l’on veut avoir la population civile, il faut bien retrancher une quarantaine de mille hommes, ce qui ramène à 750 000 en nombre rond le chiffre de la population civile européenne ; mais il y a un autre retranchement à effectuer ; on a compté parmi les Européens les Israélites indigènes, qui ont été naturalisés en bloc par un décret du gouvernement de la Défense nationale (24 octobre 1870) ; ces israélites indigènes étaient au nombre de plus de 64 000 d’après le recensement de 1906 ; ils sont très prolifiques et s’accroissent de 2 000 environ par année ; ils doivent bien aujourd’hui être au nombre de 75 000. En les déduisant du chiffre officiel de la population européenne, on peut fixer celle-ci, en 1911, à 675 000 âmes environ. Si l’on ajoute qu’il se trouve en Tunisie, d’après les recensemens tunisiens, 165 000 Européens environ, on voit que la population d’origine vraiment européenne en Algérie et en Tunisie, armée non comprise, s’élève, dans l’année 1911, à 840 000 âmes en nombre rond ; si l’on y ajoutait les Européens établis au Maroc, — mais un bon nombre se trouvent à Tanger ou dans la zone espagnole, — on approcherait de 900 000 âmes.
Certes, l’on avait eu de bien plus grands espoirs. On avait rêvé d’implanter dans notre Afrique méditerranéenne, sinon une douzaine, du moins une demi-douzaine de millions d’Européens, en majeure partie français. On perdait de vue ainsi et la nature même de la contrée colonisée et celle de la contrée colonisante. L’Algérie n’était pas une terre vacante comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie ; tout le sol, dont plus de la moitié infertile ou médiocrement fertile, était sinon cultivé, du moins occupé et possédé. La France, d’autre part, contrée peu prolifique et de moyenne aisance, offrait de la place sur son sol à l’excédent annuel des naissances sur les décès qui atteignait 150 000 à 200 000 âmes jusque vers 1880 et qui, depuis l’ouverture