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pas la guerre avec l’Allemagne. Elle fut aisément réprimée. Il en fut de même de l’insurrection de 1881 dans la province d’Oran, dirigée par Bou Amama. Depuis lors, dans toute l’Algérie, règne la paix française ; un incident, toutefois, relativement récent, — les troubles qui se produisirent, en avril 1901, dans le village français de Margueritte, près de Miliana, dans une région des premiers temps de la conquête et d’ancien peuplement européen, — témoigne que les indigènes sont susceptibles de mouvemens imprévus ; il suffit des excitations d’un marabout, réveillant les griefs administratifs ou agricoles des habitans, pour que le village français de Margueritte fût envahi par des bandes armées de plusieurs centaines d’Arabes qui le saccagèrent et y tuèrent une dizaine d’Européens. Une cinquantaine de ces Arabes furent mis en jugement devant la Cour d’assises de Montpellier.

Si définitive que soit la conquête de l’Algérie, il importe que l’administration ne se relâche pas de sa surveillance et surtout qu’elle mette en pratique à l’égard de la population indigène une bienveillance éclairée qui écarte d’elle tout motif légitime de plainte[1]. Autrement, s’il se produisait pour la France des circonstances difficiles, on pourrait avoir à compter avec des mouvemens dangereux.

L’œuvre politique principale de la France en Algérie, à savoir la prise de possession, le gouvernement régulier et l’administration paisible du pays, peut être regardée, tout considéré, comme un succès. Il n’a pas été obtenu sans une énorme dépense. D’après des calculs qui s’arrêtent à l’année 1887, le total des dépenses effectuées pour l’Algérie depuis 1830, y compris celles de l’armée, se serait élevé à 4 milliards 868 millions, et le total des recettes à 1 milliard 207 millions seulement, ce qui ferait ressortir un découvert de 3 milliards 660 millions[2]. En faisant le calcul jusqu’à la fin du XIXe siècle, on ne peut guère estimer à moins de 4 milliards et demi le prix de revient de l’Algérie pour la France. On pourrait dire, il est vrai, qu’une bonne partie des troupes occupées en Algérie et des dépenses

  1. Nous avons, dans notre Colonisation chez les peuples modernes (6e édition, tome Ier , page 551), examiné les griefs, qui n’étaient pas sans fondement, des indigènes de Margueritte.
  2. Voyez la Statistique générale de l’Algérie pour les années 1884 à 1887, pages 73 et suivantes.