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qui vient d’être conféré à Bazaine, de toutes les forces réunies sous Metz, rend inutile le maintien d’un major général. L’Empereur regimbe toujours : « Il n’y a aucun rapport entre les fonctions d’un major général et celles du ministre de la Guerre. Si je supprime, sans le remplacer avantageusement, le major général, l’armée pourra manquer de vivres, le corps de cavalerie de fourrages. Il faut ne rien connaître aux choses de la guerre pour penser qu’à la veille d’un combat, je puisse supprimer le ressort le plus important de l’activité. » (10 août.)

Cet acharnement contre Le Bœuf était inique. Le Bœuf n’était pas coupable ; il n’avait pas poussé à la guerre ; il n’avait jamais dit dans le langage de caporal qu’on lui prête : « Il ne nous manque pas un bouton de guêtre. » Il avait donné l’assurance à ses collègues, aux députés, au pays, que nous étions en état de vaincre et qu’il avait foi en la victoire, et il n’avait pas tort. Si

saurait le lui imputer, puisqun grave retard fut la conséquence du changement malencontreux que le projet de mobilisation de Niel avait subi, on ne u’il s’y était opposé de toutes ses forces. Arrivé à l’armée, il avait discerné très nettement la conduite à suivre : du 28 juillet au 6 août, il n’avait cessé de montrer la Sarre et de demander qu’on la franchit ; après Wœrth et Forbach, il avait conseillé le mouvement offensif qui eût rétabli nos affaires. Si son impulsion avait été suivie, il n’y aurait eu qu’un mot d’ordre, le mot sauveur : En avant ! Il n’a pas été l’auteur des ordres et des contre-ordres démoralisateurs, il en a été la victime. On ne peut même lui reprocher d’avoir manqué de sincérité vis-à-vis de l’Empereur. Il l’aimait et lui était dévoué, et, en toute circonstance, il lui avait exprimé son opinion, beaucoup plus franchement que d’autres qui racontaient ce qu’ils n’avaient pas dit. En restant inaccessible aux considérations vulgaires, dominantes dans les conseils de la Régence, et en refusant d’appliquer à son major général la basse politique des boucs émissaires, l’Empereur témoignait une fois de plus de sa hauteur d’âme. Plût à Dieu qu’il eût montré la même fermeté dans la conduite de ses opérations militaires !


XII

Le projet de se concentrer sur Metz et de former un second centre d’opérations à Paris sous Canrobert souleva encore plus