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la psychologie du parti radical : chacun y tire à soi la couverture au risque de la déchirer. M. Renoult n’a fait que paraître et disparaître. Quant à M. Cochery, il a été plusieurs fois ministre des Finances et a montré dans l’exercice de ses fonctions de la volonté, du courage, un sérieux souci des deniers publics : lui aussi a la sympathie de la Chambre et, s’il avait eu affaire à un autre parti, sa candidature aurait pu servir de point de ralliement. Mais il était écrit que le parti radical serait victime de ses divisions et, lorsqu’on en est venu au vote, il n’a pas pu donner à M. Cochery tout à fait cent voix. C’était un effondrement. M. Deschanel est resté seul en présence de M. Etienne : il l’a emporté au second tour.

M. Etienne appartient à la phalange, aujourd’hui bien réduite, des amis personnels de Gambetta : il représente une politique un peu flottante, mais qui se distingue de celle des radicaux-socialistes par quelque chose de plus ouvert et de plus généreux. M. Etienne ignore l’esprit sectaire et n’a jamais prononcé d’excommunication contre personne : la politique hargneuse, âpre, vorace, que les radicaux pratiquent depuis une quinzaine d’années, n’est pas la sienne et son succès, s’il s’était produit, n’aurait pas été le leur. Toutefois, leur défaite n’aurait pas été aussi éclatante avec lui qu’avec M. Deschanel, dont la carrière a présenté plus d’unité. Et non seulement la candidature de M. Deschanel avait, au point de vue général, une signification plus précise, mais les circonstances lui donnaient, en ce qui concerne la réforme électorale, un caractère particulièrement significatif : son succès devait être une victoire pour le scrutin de liste avec représentation proportionnelle dont il a été, depuis la première minute, un des défenseurs les plus énergiques et les plus éloquens. Il était permis d’espérer que cette réforme, pour laquelle le pays s’était évidemment prononcé lors des élections dernières, se ferait sans trop de résistances, mais ces espérances ont été trompées : le parti qu’on a qualifié d’ « arrondissementier » a fait une merveilleuse défense et la réforme est restée en suspens. A mesure pourtant que les mois et les années s’écoulent et que la Chambre s’éloigne de son point de départ pour se rapprocher de son point d’arrivée, en d’autres termes à mesure qu’elle s’éloigne de sa naissance pour se rapprocher de sa mort, il devient plus urgent de résoudre le problème dans un sens ou dans l’autre. C’est pourquoi les partisans de la représentation proportionnelle ont résolu de faire une manifestation sur le nom de M. Deschanel. A droite, à gauche, au centre, en votant pour lui, on a entendu voter pour la réforme. L’élection de M. Etienne