Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/701

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
REVUES ÉTRANGÈRES

LA VIE ET L’ŒUVRE D’UN ROMANCIER ANGLAIS :
GEORGE BORROW


The Life of George Borrow, par Herbert Jenkins, un vol. in-8o, illustré, Londres, librairie Murray, 1912.


Le 30 avril 1838, le Gouverneur Civil (Gefe Politico) de l’Espagne recevait de l’un de ses agens madrilènes le rapport que voici :


En vertu d’un ordre de Son Excellence le Gouverneur Civil, je me suis rendu aujourd’hui dans une boutique de la rue du Prince, appartenant à M. George Borrow, afin d’y saisir les exemplaires de la brochure intitulée l’Évangile de saint Luc. Mais, n’ayant point trouvé M. Borrow en cet endroit, je me suis transporté à son logement privé, dans la rue Saint-Jacques, numéro 16, au troisième étage, et lui ai présenté l’ordre susdit. Aussitôt qu’il l’a lu, il l’a jeté à terre d’un geste de fureur, en disant qu’il n’avait rien à voir avec le Gouverneur Civil, qu’il avait obtenu de son ambassadeur l’autorisation de vendre le livre en question, et qu’un garçon d’écurie anglais valait plus que n’importe quel Gouverneur Civil espagnol. Enfin il m’a reproché d’avoir pénétré de force dans sa maison : à quoi j’ai répondu que j’y étais venu simplement pour lui communiquer l’ordre de mes chefs, en sa qualité de propriétaire de la boutique susdite, comme aussi pour saisir les exemplaires de la brochure en vertu dudit ordre. Alors il m’a déclaré que je pouvais faire à ma guise, mais qu’il allait sur-le-champ porter plainte à son ambassadeur, et que j’aurais à répondre des conséquences de mon acte ; à quoi j’ai répondu qu’il avait insulté personnellement le Gouverneur Civil et toute l’Espagne ; et là-dessus il s’est de nouveau exprimé dans les mêmes termes, me tenant le même langage que j’ai rapporté ci-dessus.

Toutes choses que je prends la liberté de communiquer à Votre Excellence pour les fins requises.


L’agent de police :

PEDRO MARTIN DE EUGENIO.