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même coup aussi, les dieux se déclarent satisfaits. L’éclair brille et la foudre gronde. La fortune des armes change. Que dis-je ? Elle est déjà changée. Les portes du sépulcre se sont à peine fermées sur la petite-fille morte et sur l’aïeule qui va mourir avec elle, que des fanfares et des cris éclatent au dehors : le consul Scipion se montre à cheval, en triomphateur, et Rome vaincue a pour dénouement, un peu prompt, la victoire de Rome.

On a beau dire, et nous aurions beau dire nous-même, la partition de M. Massenet renferme une fort jolie page : non pas l’une des plus grandes, l’une des moindres au contraire, un épisode, un hors-d’œuvre, mais tout près d’être exquis. Nous voulons parler des aveux de Junia, la petite vestale scrupuleuse. La chose est de tout point excellente : par l’aisance du style d’abord, à demi récitatif et mélodique à demi ; par la composition ensuite, par la coupe et le partage en périodes heureusement balancées. A la souplesse, à la liberté du discours, ajoutez la poésie et la couleur des timbres : au ton de la voix qui chante ou qui déclame, les enlacemens d’une flûte amoureuse : et puis, çà et là, dans le rythme, qui se fond en triolets, une mollesse, une langueur où semble passer le souffle de la cantilène délicieuse, antique aussi, de Sapho : « Ai7nons, mes sœurs, car la vie est rapide. » Mais surtout le sentiment général est délicat et pur. Il n’y a que M. Massenet pour donner cet air pudique et pieux à la confession d’une pensionnaire ingénue.

La scène enfin ne pouvait manquer d’en rappeler une autre aux familiers du musicien et de son œuvre. Ils l’ont relue avec plaisir. « C’était le soir d’un jour de fête, je priais seule ici. » Rappelez-vous une autre prêtresse, commençant ainsi naguère, dans un temple de Lahore, non de Rome, l’aveu d’un autre et plus réel amour. Elle disait également son trouble, ses alarmes, et les notes de sa voix se posaient, timides, émues, sur un chant, de violons celui-là, non de flûte, et qui montait, montait encore, avec une infinie douceur. En cette musique-là peut-être il y avait moins de raffinemens que dans celle-ci, mais peut-être autant de charme et de tendresse. Et puis, en vérité, « c’était le soir d’un jour de fête ; » le soir où s’annonçait décidément, pour un jeune musicien de France, un glorieux avenir. Trente-cinq ans ont passé depuis, et dans la cantilène d’aujourd’hui, qui nous fait songer à celle d’autrefois, M. Massenet, y songeant lui-même, n’aura pas manqué d’entendre, comme dit le poète allemand, chanter l’oiseau de ses jeunes années.

Le bruit avait couru que le Massenet de Roma, cherchant, en un