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des restes de l’antique arène, dans l’église franciscaine ombragée d’yeuses séculaires, de vieux tableaux pathétiques palpitent doucement sur des autels baroques. Des peintures semblables s’espacent à Antibes, à Fréjus, à Grasse. Depuis une quinzaine d’années, on s’occupait de les classer et de les étudier. Des érudits, M. Moris, M. Giuseppe Brès, en dressaient l’inventaire, exploraient les archives. De tous ces travaux est sortie l’Exposition qui vient de finir. C’était un modèle d’ordre et de goût, qui fait beaucoup d’honneur aux organisateurs. Et, pour que rien ne manquât à ce beau manifeste de culture régionale, M. Gabriel Hanotaux, qui en surveillait les apprêts de sa villa de Roquebrune, et dont rien ne lasse l’intelligence, l’activité infatigables, prêtait aux « Primitifs Niçois » l’appui de son éloquence et l’autorité de son nom.

Le danger, en ce genre de découvertes, c’est d’en surfaire l’importance. L’Exposition ajoute peu de chose à l’histoire de l’art. Elle pouvait embrasser l’espace d’une centaine d’années ; la plupart des œuvres se groupaient vers la fin du XVe siècle et le début du suivant. Les opinions diffèrent quant à leurs origines. Les partisans de la thèse française, qui veulent que notre art, rayonnant des grands centres de la vallée du Rhône, ait cheminé le long des côtes jusqu’à Nice et à Gênes, paraissent faire état d’un certain Miraillet, natif, croit-on, de Montpellier, lequel a fait à Nice l’autel de la Miséricorde ; mais le tableau est repeint : que conclure d’un si faible indice ?

Pour moi, je n’ai aucune peine à en faire l’aveu : le charme de cette Exposition, c’était qu’on y sentait le voisinage de l’Italie. Les Alpes Maritimes ont toujours été le grand chemin entre les deux pays. Le premier peintre dont les actes fassent mention, à Nice, est un peintre siennois du nom de Giacomo. C’était en 1347, au temps des papes d’Avignon, et on ne se trompera guère en supposant que là était le but de son voyage. Rappelez-vous ce Vatican, cette Rome des bords du Rhône, songez à ce que fut ce foyer des beaux-arts, à Mathieu de Viterbe, à Simone di Martino, à Pétrarque et à Laure : vous conviendrez que plus d’un problème, dont on cherche le mot à Nice, doit se résoudre en Avignon. L’art était, dès cette époque, beaucoup moins sédentaire, beaucoup moins casanier que nous ne nous le figurons. A pied, à cheval, seuls ou par troupes, suivis ou non de train et de bagage, il faut se représenter ce défilé de bohème.