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L’EUROPE
ET LA
GUERRE ITALO-TURQUE

Alarmante dès le premier coup de canon, comme tout incident qui risque de déclancher la crise toujours imminente de la question d’Orient, la guerre étrange, à demi européenne et à demi coloniale, qui arme l’une contre l’autre l’Italie et la Turquie à propos de la Tripolitaine, devient plus inquiétante à mesure qu’elle se prolonge sans résultat décisif et sans que l’on aperçoive quel traité de paix pourrait en être l’issue. Les récentes tentatives d’intervention médiatrice des grandes puissances ont, par leur échec même, rendu la situation plus inextricable et plus dangereuses les conséquences. Dans cette guerre, où tout est trompe-l’œil, où ni les armées, ni les Hottes ennemies ne se rencontrent sur un grand champ de bataille, la question qui, en réalité, est en suspens, est moins de savoir si la Tripolitaine et la Cyrénaïque cesseront d’être un vilayet de l’Empire ottoman pour devenir un prolongement du royaume d’Italie, que de prévoir ce qui en résultera pour la Turquie, pour l’Italie, pour la politique générale de l’Europe. Déjà nous en avons éprouvé certains effets, qui ont étonné l’opinion française, mais qui n’auraient pas dû surprendre des hommes d’Etat avertis. L’Europe est-elle menacée de nouveaux incidens plus graves encore? Et, pour l’Italie elle-même, les suites de son agression seront-elles bien celles que le gouvernement escomptait et que la nation, dans un élan d’enthousiasme patriotique, acclamait par avance ?