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que par notre intermédiaire, nous sommes ses ministres obligés, mais de là à ne le consulter jamais, à le tenir dans l’ignorance de tout ce qui se prépare, à remplacer son sceau par un cachet français, la distance est grande, et il est en droit de se plaindre de la situation qui lui est faite. Après avoir lu ses plaintes, on comprend qu’il veuille nous fausser compagnie en abdiquant un pouvoir qui n’existe plus. Ses projets de retraite s’expliquent : on ne l’y fera renoncer qu’en changeant de manière à son égard. Pour cela encore, nous comptons sur le général Lyautey, qui est un militaire, mais aussi un négociateur, un diplomate, c’est-à-dire un homme d’action dans toute l’étendue du mot, non pas seulement un chef d’armée, mais un chef de gouvernement : à ce titre, il aura beaucoup de choses à remettre à leur place et d’omissions à réparer.

Il sera soutenu dans sa tâche par une opinion aujourd’hui mieux informée, qui commence à en comprendre la complexité. Toutefois, après avoir été optimiste par ignorance, gardons-nous d’être aujourd’hui trop pessimiste par une connaissance incomplète de nos moyens et de nos ressources. Il est d’ailleurs trop tard pour nous reprendre. Nos lecteurs savent combien, et dès la première heure, nous avons déploré la manière dont la question marocaine a été engagée. On en a imprudemment soulevé plusieurs autres qui la compliquent et l’aggravent, et qui, soit du côté de l’Espagne, soit du côté de l’Italie, pourraient faire naître, dans certaines éventualités, de véritables dangers. Il en résulte pour nous des obligations qui se rattachent à toute notre politique internationale. Mais, sans négliger d’autres intérêts qui peuvent avoir pour nous une importance encore plus grande, consacrons-nous à l’œuvre que nous avons entreprise, conformément au vieil axiome latin : Age quod agis. L’heure est d’ailleurs décisive : suivant la direction que nous donnerons à l’affaire, nous en atténuerons ou nous en augmenterons sensiblement les difficultés. Avec la nomination du général Lyautey commence une phase nouvelle : espérons qu’elle le sera vraiment dans tout le sens du mot.


La guerre italo-turque vient d’entrer elle aussi dans une autre phase, dont nous avons annoncé les premiers incidens, il y a quinze jours. Les Italiens semblent avoir renoncé pour le moment à faire un pas de plus sur la terre d’Afrique ; ils se contentent d’être maîtres du rivage de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque et, n’ayant pas réussi à vaincre la résistance que leur opposent les Arabes, soutenus par les troupes turques, ils tournent leur effort d’un autre côté, dans l’espoir, soit de