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des grandes voies romaines. Terminons par deux remarques qui ont leur importance. Le réseau routier marocain était indépendant du réseau d’Algérie ; il était la continuation directe du réseau routier espagnol. Tanger, tête de ligne des voies romaines au Maroc, faisait face à Gadès et les routes d’Espagne, au delà du détroit de Gibraltar, se prolongeaient directement sur territoire marocain.

L’exploitation économique du pays fut poussée avec le sens pratique et l’esprit de méthode qui partout caractérisaient l’action romaine. Le sol du Maroc est naturellement fertile. Les Anciens le reconnaissaient unanimement : « Il est un point sur lequel tous les témoignages s’accordent, c’est que la Maurétanie, à l’exception de quelques déserts peu étendus, ne comprend que des terres fertiles et bien pourvues d’eau... Toutes les productions du sol y abondent. » (Strabon.) — « Riche par son sol, la Maurétanie est tellement fertile que non seulement elle rend avec usure les semences qu’on lui confie, mais qu’elle produit même en abondance quelques genres de fruits qu’on n’y sème pas. » (Pomponius Mela.) Cependant, en dépit de cette fertilité naturelle, le Maroc n’a jamais été une terre à céréales, comme l’étaient les provinces voisines d’Afrique et de Numidie. La culture intensive du blé, dans l’antiquité, exigeait une main-d’œuvre sérieuse que le Maroc n’a jamais connue. La main-d’œuvre indigène, livrée à elle-même, ne valait rien, — le Marocain d’aujourd’hui est resté un piètre agriculteur, — et, d’autre part, le nombre des colons venus du dehors n’a jamais été bien considérable.

La grande richesse de la province, c’étaient les forêts. L’Atlas était couvert de forêts épaisses et profondes où abondaient les essences les plus rares. Les thuyas de Maurétanie étaient célèbres ; on en faisait des meubles et particulièrement des tables que les amateurs se disputaient à prix d’or. Nonius, un affranchi de Tibère, avait une table d’une seule pièce qui mesurait quatre pieds de diamètre et six pouces d’épaisseur.. Cicéron avait payé la sienne un million de sesterces (220 000 francs) ; une autre, qui avait appartenu au roi Juba, fut vendue 1 200 000 sesterces (264 000 francs), et ces prix furent encore dépassés par la suite.

L’olivier et la vigne étaient cultivés avec succès dans les plaines du littoral. Les animaux sauvages, éléphans, lions,