Je ne parle que pour mémoire des braves Bavarois qu’on a eu tant de peine à faire avancer contre Ducrot.
L’initiative a-t-elle autant manqué dans l’armée française qu’on l’a prétendu ? Nous touchons ici un point délicat, car l’initiative, qualité à encourager, a pour cousine germaine la désobéissance, défaut à châtier. Il importe de les définir exactement. L’initiative est la décision prise d’urgence par un chef qui n’a pas reçu d’ordres de son supérieur et qui n’a pas eu le temps d’en demander, ou dont les ordres reçus trouvent une situation de fait inconnue de celui qui les a donnés, autorisant à croire qu’il ne les aurait pas donnés s’il avait été présent sur les lieux. La désobéissance consiste à ne pas exécuter l’ordre d’un chef présent, ou qui, n’étant pas sur les lieux, est instruit des circonstances au milieu desquelles doit agir celui à qui son ordre a été expédié. Dans la guerre de Hollande, Louvois ordonne à Turenne de repasser le Rhin ; Turenne estime l’ordre fatal et ne l’exécute point, en raison de circonstances que Louvois ne peut apprécier : il fait acte d’initiative, non de désobéissance. Au contraire, la plupart des actes que, dans l’armée prussienne, on appelle des actes d’initiative n’ont été que des actes de désobéissance. Le Prince royal dit à ses généraux : « Vous ne vous battrez pas le 6, » et Kirchbach commence la bataille le 6 sur la Sauer. Moltke dit au prince Frédéric-Charles et à Steinmetz : « Avant le 9, vous ne franchirez pas la Sarre, » et, le 6 août, la XIVe division franchit la Sarre, et les divisions du IIIe corps la suivent. Alvensleben envoie le général Schwerin à l’attaque du Forbacherberg avec six bataillons ; Schwerin n’en lance que trois et expédie les trois autres dans la vallée de Stiring ; Bose dirige le général Schkopp sur Gunstett, le général n’y fait aller qu’un de ses régimens et dirige l’autre sur Morsbronn. On rencontre la même désobéissance parmi « les officiers subalternes et jusque parmi les hommes de troupe qui cherchent à faire œuvre personnelle en tentant un petit mouvement tournant, en gagnant un abri voisin, en se jetant dans le flanc de l’adversaire[1]. »
La caractéristique de l’armée prussienne dans ces journées, c’est que ce sont ceux qui devaient obéir qui commandent, décident, et les chefs qui devaient commander qui obéissent, ratifient. Bismarck le constate dans sa forme humoristique :
- ↑ Lehautcourt.