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était impossible si la tribune n’était pas muette. Réunir le Parlement ne serait pas augmenter nos forces, ce serait les anéantir ; ce serait assurer les catastrophes, non préparer les revanches. L’heure était aux soldats et point aux parleurs. Je rappelai le rôle odieux qu’avait joué la Chambre des Cent jours : « Ne préparons pas une nouvelle édition de cette lamentable histoire et n’ouvrons pas à la révolution le champ de propagande et d’action que l’état de siège va lui fermer. »

Plichon soutint énergiquement l’opinion de Schneider : plus la situation était difficile, plus il était nécessaire de s’appuyer sur l’opinion et faire notre force de sa force ; nous n’avions déclaré la guerre qu’après l’approbation des Chambres ; un revers nous frappait ; il fallait sans tarder nous entourer de ceux qui nous avaient soutenus au premier jour, afin que l’accord établi au début et qui couvrait notre responsabilité se continuât durant les épreuves ; nous étions des ministres parlementaires, nous ne devions pas nous isoler du Parlement. Enfin il invoqua la malheureuse phrase du discours de l’Empereur : « Je vous confie en partant l’Impératrice qui vous appellera autour d’elle si les circonstances l’exigent. » Il y avait là, selon lui, un engagement solennel auquel nous ne pouvions nous soustraire.

Je conviens que le précédent de 1815 que j’avais invoqué contre l’opinion de Plichon n’était pas concluant : entre l’Assemblée de ce temps-là et le Corps législatif actuel, il y avait une différence capitale, l’Assemblée des représentans se composait en grande majorité d’ennemis de l’Empire. La majorité du Corps législatif, au contraire, était dévouée. Il n’était donc pas déraisonnable de compter avec Plichon que la réunion des Chambres ne nous créerait aucun péril et même accroîtrait nos forces.

La discussion fut interrompue par un aide de camp, qui nous annonça que l’Impératrice, arrivée de Saint-Cloud aux Tuileries, nous priait de nous rendre auprès d’elle.


XII

L’Impératrice passait les heures dans une attente poignante. Elle avait envoyé un de ses aumôniers, l’abbé Pujol, à Sainte-Geneviève et à Notre-Dame-des-Victoires, prier pour la France.