langage à celui qu’avait l’habitude de tenir le prince de Bismarck lorsqu’il voulait faire voter par le Reichstag quelque loi du même genre : il ne manquait pas de montrer le monde déjà tout en feu et il dénonçait l’antipatriotisme de ceux qui lui opposaient la moindre critique. M. de Bethmann-Hollweg se contente de faire appel au patriotisme de tous les partis. Mais alors, s’il n’y a aucun danger de guerre, si l’Europe n’a jamais été plus tranquille, si l’avenir immédiat n’a jamais présenté un plus grand caractère de sécurité, pourquoi ces formidables armemens ? L’objection se présente si naturellement aux esprits que M. de Bethmann-Hollweg, sentant bien qu’on la lui opposerait, a vouIu y répondre d’avance, et il a dit qu’un grand pays devait toujours faire le plus grand effort militaire dont il était capable, parce que son autorité, dans les controverses internationales, était en raison directe de la force qu’on lui connaissait.
Cette théorie peut conduire loin, et on voit, en effet, où elle conduit l’Allemagne. Il nous semble pourtant que ce grand pays jouit actuellement d’une autorité qui n’a nul besoin d’être augmentée. Quand donc en a-t-elle éprouvé l’insuffisance ? Est-ce au mois d’août 1911 ? M. de Bethmann-Hollweg ne l’a pas dit, mais le ministre de la Guerre, M. le général Heeringen, qui a parlé après lui, a été plus explicite : « Entre la dernière loi, a-t-il déclaré, et la loi actuelle, il y a eu l’expérience de l’année passée : elle nous a prouvé que l’augmentation de nos forces n’avait pas été suffisante. » Ce sont là de graves paroles : elles donnent à croire qu’au mois d’août le gouvernement allemand ne s’est pas senti assez fort pour réaliser toutes ses prétentions et qu’il regarde comme indispensable de se fortifier encore en vue des épreuves futures. Les partis colonial et pangermaniste pourront trouver dans le discours du général Heeringen la justification de ce qu’ils ont toujours soutenu, à savoir que le gouvernement impérial avait d’autres vues que celles qu’il a réalisées. C’est toutefois une erreur de croire que, quand même il aurait eu à sa disposition les renforts que doit lui donner la loi nouvelle, il aurait obtenu davantage, car la France n’a pas compté arithmétiquement le nombre des soldats allemands pour savoir ce que son intérêt bien compris et son honneur lui commandaient de faire. M. de Bethmann-Hollweg, en défendant le projet de loi dans le langage simple, précis, sans exagération d’aucune sorte, qu’il emploie toujours et auquel nous avons souvent rendu hommage, a donné aux journaux un avertissement dont nous voudrions bien qu’ils s’inspirassent en Allemagne : nous en prendrons volontiers à notre compte la part certainement