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Il jette ses premiers contingens sur la rive gauche, en occupe les hauteurs. Survient le général de Gœben, commandant du VIIIe corps, bien portant, alerte, désireux d’en venir aux mains ; il opérait une exploration personnelle ; il offre son appui à Kameke. Celui-ci le refuse : « Il est assez fort ; il n’a devant lui que des détachemens et il les débusquera sans retard d’une position d’où ils découvrent les mouvemens des forces allemandes, et il assurera ainsi à l’armée prussienne la possession des passages de la Sarre. »

Les détachemens prussiens, qui tâtent le terrain au delà de la rivière, ne nous prennent pas au dépourvu ; ils trouvent immédiatement qui les reçoit. Deux bataillons, un escadron, une batterie de la brigade Jolivet repoussent les partis de cavalerie prussienne. Des hauteurs de l’Eperon, Laveaucoupet ouvre le feu (de trois sections d’une de ses batteries) contre les escadrons de Rheinbaben (9 heures), (les coups de canon dans la vallée et sur La hauteur donnent l’alerte au quartier général de Frossard ; mais, comme Kameke, il juge qu’il n’a devant lui que de simples reconnaissances, et craignant que Bataille, dont il connaissait le tempérament impétueux, ne prenne l’alarme, il lui fait savoir qu’il ne s’agit que d’une canonnade échangée entre l’artillerie du champ de manœuvres et celle de Spicheren.

Notre canonnade n’inquiète pas Kameke. Il ne cherche pas à être fixé sur l’importance de la résistance qu’il rencontre et, quoique n’ayant aucune certitude d’être appuyé, il entame une opération stratégique mal préparée, risquée, bien au-dessus des moyens dont il dispose : il ne s’en tient pas à l’occupation des hauteurs de la rive gauche de la Sarre, il entame une double poursuite, l’une sur Stiring et sur Forbach, en vue de surprendre les Français en train de s’embarquer en chemin de fer ; l’autre contre l’arrière-garde française de l’Eperon. La brigade du général François entame l’action. Il passe la Sarre, dirige une partie de ses régimens vers l’Eperon, une autre vers Stiring, et place la dernière en réserve sur le Reppertsberg.

Ces mouvemens n’échappent pas à Laveaucoupet. A peine la tête de colonne de la brigade prussienne apparait-elle sur le champ de manœuvres (11h. 1/2) qu’elle est accueillie par un feu violent de notre artillerie de l’Eperon. Kameke ne se rend pas compte encore de la réalité. Il voit qu’il ne s’agit plus de simples détachemens, mais il n’évalue pas nos forces à plus de