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LA NOUVELLE COUVÉE[1]
(LETTRES À FRANÇOISE)


LETTRE V[2]


Ambleuse, 12 septembre.

Vous n’ignorez pas, chère Françoise, que mon jeune hôte, Georges de Lespinat, sans offrir au regard aucun des traits consacrés du « joli garçon, » a une charmante figure. Une de ces figures, si rares, où tout exprime la pensée active et les sentimens robustes ; une figure qui traduit l’intensité de la vie intérieure. Les cheveux noirs, abondans, partagés sur le côté, encadrent avec une négligence somptueuse un visage mat, à grand front aride, à méplats nets, à menton fin, à nez osseux, un visage dont l’expression serait rude sans la tendresse de la bouche irrégulière, un peu trop forte, sans les yeux foncés dont on aurait dit justement, au temps de Mme de Sévigné, qu’ils sont « les plus beaux du monde, » au moins par leur chaleur et leur esprit… Sa mère, m’a-t-on conté, avait ces mêmes yeux, et aussi ce charme ardent, contenu, irrésistible. À son père, Georges a pris la belle silhouette de sportsman, la grâce aisée des manières, un timbre de voix assez rare dans la région berrichonne,

  1. Copyright by Marcel Prévost, 1912.
  2. Voyez la Revue des 1er  et 15 avril.