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général français sera le ministre des Affaires étrangères du Sultan. « Il sera notamment chargé, dit encore le traité, de toutes les questions intéressant les étrangers dans l’Empire chérifien. » Partout ailleurs, cette clause aurait peut-être été inutile, mais au Maroc les étrangers jouissent de tant de privilèges, qui ont donné lieu à tant d’abus, qu’elle était indispensable : il doit être bien établi que toutes les réclamations concernant les étrangers passeront par nos mains et cela peut-être suffira pour que quelques-unes ne puissent plus se produire avec la même facilité. Hors du Maroc aussi, les agens diplomatiques et consulaires de la France représenteront et protégeront les sujets et les intérêts marocains. Il va sans dire enfin que le Sultan s’engage à ne conclure aucun acte international sans notre assentiment préalable : on ne voit d’ailleurs pas comment il pourrait agir autrement, puisqu’il ne peut rien faire que par nous. Cela nous donne incontestablement une grande force, mais ne laisse pas de nous imposer des responsabilités qui pourront être parfois assez lourdes. Le gouvernement marocain d’aujourd’hui représente à merveille ce minimum de gouvernement qui est l’idéal de nos démagogues ; il n’y en a pas qui soit plus voisin de l’anarchie : si un étranger est molesté sur un point quelconque d’un territoire où le Sultan n’a aucune autorité et où nous n’en aurons pas nous-mêmes avant quelque temps, qu’arrivera-t-il ? Cela dépendra des bonnes dispositions des représentans étrangers à notre égard, et cette question se rattache à celle de savoir, faut-il dire comment ? n’est-il pas plus exact en ce moment de dire par qui nous serons nous-mêmes représentés au Maroc ?

Le traité du Bardo a eu autrefois la bonne fortune d’être appliqué par M. Paul Cambon, et c’est pourquoi ses insuffisances initiales ont pu être rapidement réparées : par qui sera appliqué le traité de Fez ? On n’en sait rien encore, et il convient de laisser au gouvernement une pleine liberté dans un choix dont la responsabilité lui appartiendra tout entière ; mais on ne saurait trop répéter que tant vaudra l’homme, tant vaudra le traité. Il faut ici un homme versé dans les questions africaines, qui soi l à la fois un administrateur, un politique, un diplomate, qualités qui peuvent se rencontrer réunies dans une même personne, mais qui s’y trouvent assez rarement : aussi est-il indispensable qu’elles se soient déjà manifestées à l’épreuve, car rien, en matière aussi délicate, ne doit être laissé au hasard ni à l’improvisation. La tâche est d’ailleurs assez grande et assez belle pour tenter les ambitions les plus hautes. Celui, quel qu’il soit, qui aura