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parle, elle « dit, » aussi délicatement qu’elle chante. Ici partout un mot, une note, mis en leur place, ont le même pouvoir. Par la sobriété, par l’économie des moyens, un art tel que celui-là pourvoit à notre plaisir avec une supériorité, avec une intensité où tel autre, par la profusion, ne saurait atteindre. Quelqu’un l’a dit un jour : pour qu’il y ait de la musique, et beaucoup, il n’est pas besoin de beaucoup de sons. La musique de M. Pierné le démontre une fois encore. Au surplus, pour être simple, pour être claire, elle n’en est pas moins profonde, quelquefois même puissante. Mais, entendons-nous bien, d’une puissance tout intérieure, spirituelle, où la matière, volontairement épargnée, a peu de part. La scène des stigmates fait le plus de bruit ; la scène avec sainte Claire, toute en demi-teinte, et d’autres qui lui ressemblent, font le plus de bien. C’est un beau thème que le thème de saint François, exposé pour la première fois, avant l’apparition de la Pauvreté, dans sa plénitude sonore. Il consiste alors en une longue, une ample phrase d’orchestre, bien ordonnée, bien distribuée en périodes paisibles, à moins que, tout au contraire et à dessein, quelque soupir, à la fois tendre et chaste, n’en vienne, je ne dis pas troubler, mais animer la paix, et l’émouvoir. Plus loin, de place en place, il reparaîtra, le thème mystique. Alors, au gré des circonstances, que ce soit le colloque avec sainte Claire, ou la prédication aux petits oiseaux, alors il se fera moins grave et même familier, alors surtout il s’amincira jusqu’à n’être plus, au lieu de toutes les voix de l’orchestre, qu’une seule de ces voix, et la moindre ; au lieu d’un flot, d’un courant, un filet de mélodie. Ainsi réduit de volume, il ne perd cependant rien de sa poésie pénétrante et de sa grandeur.

En somme, et puisqu’il faut toujours conclure, il nous plairait d’achever l’analyse et l’éloge du Saint François de M. Gabriel Pierné par cette strophe du cantique franciscain : « Soyez loué. Seigneur, pour la musique de notre frère Gabriel : elle est modeste, chaste et précieuse comme notre sœur l’eau. »


Un « cobzar » est, parait-il, en Roumanie et en roumain, un chanteur populaire, une sorte de rapsode errant. Le cobzar va par monts et par vaux, l’été surtout, et ses chants, qu’il accompagne sur la « cobza » (guitare ou mandoline roumaine), portent bonheur à la moisson. Or donc là-bas, au temps de la récolte, vint à passer un beau cobzar, dont Stan était le nom. Et nous avons compris, ou cru comprendre, — les paroles, en musique, ne s’entendent pas toujours