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REVUE LITTÉRAIRE

DIX ANNÉES DE LA VIE DE GEORGE SAND

Sainte-Beuve aimait ces biographies copieuses, bourrées de documens inédits, farcies de renseignemens piquans et de traits amusans, regorgeant de petits faits et de détails minuscules, œuvre patiente et pieuse d’un dévot persuadé que rien de ce qui touche à son grand homme ne saurait laisser l’univers indifférent. Il était trop avisé pour croire que la critique littéraire, à proprement parler, eût beaucoup de profit à en tirer : la méthode biographique se joue, sans y pénétrer, autour des régions obscures où le génie s’élabore ; elle nous mène jusqu’au seuil du mystère, sans pouvoir aller plus avant : elle ne nous livre pas le grand secret. Mais pour le psychologue et pour le moraliste, quelle aubaine ! L’explorateur du cœur humain, comme aimait à se qualifier Stendhal, et tous ceux qu’un insatiable désir de connaître met à l’affût des indiscrétions, penchent leur curiosité sur ces infiniment petits. Quand on a lu les dix volumes que Desnoiresterres consacra jadis à Voltaire, on ignore, aussi bien que devant, pourquoi l’écrivain fut un si merveilleux prosateur ; mais l’homme vous est connu mieux que si on eût été l’hôte de Ferney. Quand on vient de fermer les cinq volumes où Edmond Biré s’appliqua naguère à déchiqueter Victor Hugo, on est aussi peu qu’auparavant renseigné sur la prodigieuse puissance verbale qui fit du poète l’Homère du XIXe siècle ; mais on est pleinement édifié sur le caractère de « l’individu » Hugo. La perpétuelle hostilité, ou même l’acharnement du biographe est encore une manière d’hommage rendu à celui dont on sent que l’image l’a obsédé : lui partout, lui toujours !

C’est de même, mais cette fois avec un louable parti pris d’ardente