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MEDAILLE


Gloire à Dionysos ! C’est pour lui que je frappe
Cette médaille où pend la légendaire grappe ;
Où le thyrse est brandi comme un trophée ; où tant
D’enthousiaste et folle ivresse en s’incrustant
Dans l’orbe illustre évoque une scène immortelle :
Le grand char triomphal, les fauves qu’on attelle,
Les rênes et les jougs ornés de pampres verts.
Et l’immense allégresse orgiaque, et couverts
De fleurs, éclaboussés de fruits juteux, les groupes.
Et, saturant les reins, les mufles et les croupes.
Incendiant les cœurs, éblouissant les yeux.
L’ardent soleil, par qui tout s’anime joyeux,
Et qui, muant en or même une vile fange.
Fait éclore la Fable et mûrir la vendange.

L’ENFANT A LA FLÛTE


L’élégiaque et frêle adolescent, les doigts
Sur ton bois tendre, ô flûte amoureuse, qui dois
Communiquer son rêve et dire son ivresse.
Effleure le tuyau que son souffle caresse
Et, de sa lèvre habile, ose exprimer déjà
Une chose à laquelle en passant il songea.
Car, parmi les splendeurs que la lumière épanche,
Il a vu, si légère, errer la forme blanche
Que n’étreindra jamais son désir... C’est pourquoi,
Arrondissant la bouche, impatient d’émoi.
En méandres savans dont l’harmonie ondule
Il offre les soupirs de son cœur trop crédule
A quelque vision lointaine qui le fuit ;
Tandis qu’Amour, témoin subtil venu sans bruit.
Dieu caché dont l’oreille épie et dont l’œil scrute,
Se rit des vains sanglots de la naïve flûte.