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L’ABANDONNÉE


Viens. De fruits et de crème onctueuse nourris,
Nous trouverons le calme en nos anciens abris.
Ma génisse a mis bas sa première portée.
Et des ruisseaux de lait sur l’éclisse enchantée
Cailleront, cependant que mon agile essaim
Aux mellifères fleurs éparses à dessein
Fera dans la lumière une allègre visite.
Viens. Je crains que, déjà durci, ton cœur n’hésite
Et que la ville ardente aux lointaines rumeurs
Ne rallume en ton sein la fièvre dont tu meurs.
Pas de faiblesse, viens. Fuis les cités infâmes,
Où sombrent tant de corps, où se perdent tant d’âmes ;
Sois fidèle à la terre, aïeule des aïeux.
Car celui de ses fils qui la quitte, oublieux.
Plus tard, quand il s’abîme et se disperse en elle,
Doit entendre une voix plaintive et maternelle
Qui, réveillant dans les ténèbres ses remords,
Lui défend de goûter le repos cher aux morts.

COMPASSION


O pâtre vigilant, pâtre anxieux, protège
La brebis qui n’a pas agnelé... Que ne t’ai-je
Apporté les pipeaux suspendus à mon seuil,
A toi dont m’est si cher le bucolique accueil !
Peut-être l’harmonie humble qui s’en exhale
Eût-elle, éparpillant la gamme pastorale.
Allégé le fardeau tendre et mystérieux
Qu’elle porte et qui rend plus vagues ses doux yeux,
Tandis qu’une lueur rougissante incendie
Sa mamelle gonflée et sa panse arrondie.

À CATULLE

O ravissant et frais Catulle, ne veux-tu Me prêter le secours que tant d’autres ont eu ? </poem>