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ESQUISSES COINTEMPORAINES

M. JULES LEMAITRE


II
LA SECONDE INCARNATION[1]


I

Nous sommes en 1898. Année terrible pour tous les bons Français, et qu’aucun d’eux ne voudrait revivre. Nous commençons à peine à nous relever des ruines morales, et même matérielles, qu’elle a semées sur le sol de France. Je ne voudrais pas revenir sur une question qui nous a trop longtemps désunis et paraître réveiller des passions peut-être encore mal éteintes. Ce n’est d’ailleurs que dans un demi-siècle, quand tous les faits et les documens seront connus, que l’on pourra, avec l’histoire vraie et sereine, écrire la « psychologie » et la « philosophie » de la douloureuse Affaire. Mais il me faut bien évoquer ces tristes souvenirs, ne serait-ce que pour expliquer le rôle et l’évolution politiques de l’ironiste voluptueux et tendre qui écrivait tour à tour le Pardon et la Bonne Hélène. Or, que l’avenir donne raison ou tort à M. Jules Lemaître et à ceux qui se sont groupés autour de lui, une chose reste sûre : en écoutant les déclamations et les théories d’une partie de leurs adversaires, en voyant tout l’étranger coalisé contre l’opinion

  1. Voyez la Revue du 1er avril.