Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 8.djvu/765

Cette page n’a pas encore été corrigée

STÉPllAMt ;. 7&f

complices, les jeunes gens courent en automobile, déjà, sur la route de Menin, avec l’espoir que Pauline les apercevra, quand ils s’arrêteront devant le cottage, sous couleur de prendre des nouvelles : l’amiral subit une crise hépatique. Il n’y a que les deux petites filles à qui je doive brûler la politesse. Elles répètent une scène de Mariviiux devant la psyché de leur chambre. Isabelle instruit Juliette avec sévérité dans l’art de lier les phrases selon leur sens et Tentrain du discours. Le plus simple est de les avertir au moment de descendre. Elles renseigneront leurs mères. Il est neuf heures trois quarts. Vers dix heures et demie, je monterai dans l’express de Paris qui sera en gare de La Ferté.

Pourquoi suis-je content, et comme ivre ?... Parce que j’assisterai bientôt aux souffrances, aux angoisses de ce malheureux Clermont ? Parce qu’il essayera de m’emprunter quelque dix ou vingt hniis ? Parce que j’espère...

Oui : j’espère qu’il m’appelle, en présence de sa fille, pour mettre, dans ma main, ces jeunes doigts un peu secs... et que je prendrai sans consentir à la réalité du symbole. Jai téléphoné au chauffeur. J’ai appelé Ernest. Je lui ai commandé de garnir mon sac, à tout hasard, et de le porter dans la Panhard discrètement.

— Monsieur a-t-il donné les ordres à Maria ?

Nom d’une pomme ! J’oubliais Maria. Que va-t-elle penser si je quitte la maison, sans lui faire mes confidences ? l^lle m’accusera nettement de courir à Stéphanie. Du reste peu m’importe :

— Maria sait ce qu’il faut. D’ailleurs, je rentrerai probablement ce soir.

La singulière chose tout de même ! Je suis maître ici. Je ne dépends de personne. Moi-même ai constitué ma fortune. Je ne suis ni slupide, ni vicieux. Et partir, à mon gré, dans l’intention de rendre visite à un vieil ami, de causer avec lui et sa fille : cela m’est interdit. Je dois dissimuler mon action, craindre Thérèse, Emilie, Isabelle, ... et ma cuisinière... Quel crime vais- je commettre ?

Ai.cun. Cependant je sais bien que, si je parle franchement à mes sœurs, il me faudra subir une scène humiliante. Je pliwai sous leur désapprobation. Porce que le soupçon de ce mariage les harcèle, il sied que je me cache et que je mente.