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Nous avions édifié tout notre empire colonial sans qu’il nous en coûtât rien parce que nous n’avions pas cessé, tout en nous engageant dans la politique d’expansion, de fixer sur l’Allemagne des yeux vigilans et de nous assurer par avance de ses dispositions. Puisque aujourd’hui nous sommes contraints d’en venir à payer, à l’Allemagne aussi, un Maroc incomplet, c’est donc que la méthode qui nous a conduits à ce résultat était défectueuse. M. de Bethmann-Hollweg disait le 5 décembre ; « M. Lloyd George a voulu préciser, dans son discours, sans aucun désir de provocation, que sur tous les points touchant aux intérêts anglais, l’Angleterre ne saurait être traitée comme si elle n’existait pas... Je réclame le même droit pour l’Allemagne. Quand je considère le passé, il me semble que les difficultés marocaines ont eu précisément pour origine le fait que ce droit ne fut pas accordé à l’Allemagne. » Nous payons trop cher parce que nous payons trop tard.

Les longues négociations, les concessions réciproques dont est sorti le traité du 4 novembre 1911, aboutissent en fait, sur bien des points, à enchevêtrer tellement, tant au Maroc qu’au Congo, les intérêts français et les intérêts allemands, qu’une bonne volonté commune sera nécessaire aux deux nations pour rendre la convention applicable et profitable. Pour l’Allemagne, la nouvelle délimitation, l’utilisation des deux antennes qui aboutissent au Congo et à la Sangha ; pour la France, l’administration et la mise en valeur de l’enclave comprise entre les deux pinces du homard, les communications à établir entre les trois tronçons de notre colonie équatoriale, l’aménagement de la voie de la Bénoué et des enclaves que l’Allemagne nous concède à bail, autant de questions délicates qui nécessiteront des conversations diplomatiques, des ententes sur place, des concessions réciproques, des tractations de toute nature. L’association d’intérêts français et allemands qui, dans l’affaire de la Ngoko-Sangha, avait si fort alarmé la commission du budget de 1910 est aujourd’hui inévitable, mais une partie du territoire sur lequel elle portera est devenu allemand. Beau résultat, en vérité ! Au Maroc, la question de la Banque, celle des travaux publics, de la liberté commerciale, et bien d’autres, peuvent devenir une source de difficultés fréquentes, si elles ne sont pas abordées dans un esprit de concorde et de paix ; la discorde entraverait notre œuvre au Maroc aussi bien que les affaires