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peu avec les soldats des autres corps. Cette répartition spontanée des sympathies ne correspondait en rien aux tendances des gouvernemens. Ces affaires de Chine qui intéressaient toutes les puissances, auraient pu devenir une occasion d’accord général et de rapprochement ; c’était le cas de refaire l’entente de 1895 et de prendre en commun, dans l’Empire du Milieu, les précautions nécessaires pour prévenir le retour d’événemens semblables à ceux de 1900. Le concert européen avait là une occasion unique d’affirmer son existence et sa capacité d’action. L’Angleterre, occupée en Afrique du Sud, n’était pas, comme en 1895, d’humeur à faire un cavalier seul. J’ai déjà expliqué ici comment les véritables intérêts européens auraient exigé un ralliement unanime autour des sages propositions de la Russie[1]. L’Allemagne en jugea autrement : il ne serait pas dit qu’elle avait déplacé un feld-maréchal pour une simple promenade à Pékin ; avec cette méconnaissance de la politique et du caractère chinois dont elle a donné tant de preuves, elle proposa des expéditions vengeresses à la poursuite de la Cour et à la recherche des Boxeurs. Ainsi, après avoir provoqué, par la prise de possession brutale du Chan-Toung et du tombeau de Confucius (1896), le soulèvement des Boxeurs, après l’avoir rendu inévitable par les exigences du baron de Ketteler, elle risquait maintenant de prolonger indéfiniment la guerre. Elle poursuivait, en réalité, un but d’ambition particulière. A la faveur des troubles, elle cherchait l’occasion d’étendre sa suprématie sur toute la Chine du Nord-Est, entre le Hoang-Ho et le golfe du Petchili. C’est le véritable sens de la convention dite du Yang-Tse, signée en septembre 1900 entre l’Allemagne et l’Angleterre ; elle détermine deux zones d’influence en Chine : à l’Angleterre, le Yang-Tse ; à l’Allemagne, le Hoang-Ho et le Chan-Toung. C’est un nouvel aspect du Break-up of China préconisé par lord Charles Boresford. Les événemens firent de cette convention une lettre morte ; elle n’en est pas moins intéressante au point de vue de l’histoire générale : elle montre l’harmonie qui règne encore à cette époque entre l’Allemagne et l’Angleterre. Malgré les polémiques de presse et la concurrence économique, les relations des deux gouvernemens et des deux cours restent amicales.

  1. Voyez la Revue du 1er août 1904 et notre ouvrage : 'la Lutte pour le Pacifique, p. 76 et suivantes.